dimanche 23 janvier 2011

les années de turbulence (suite)

(Lorsque les artistes gardiens de l’orthodoxie d’un mouvement musical, tel que le makossa, commencent à pointer aux abonnés absents, il se pose un énorme problème !)

Hélas ! Que dire de ces années troubles, sinon qu’elles correspondent aux années de vacillement du système. Si l’on peut parler de système pour un rythme musical qui repose  plus sur le background, la probité artistique et intellectuelle d’artistes qui s’en sont fait les défenseurs, les propagateurs, que la fidélité à la lettre près, à un plan comptable qui s’imposerait à tous.
Le makossa, comme toute musique populaire, n‘existe que par les hommes qui se chargent de le propager. Lorsque ces hommes, ces musiciens, gardiens de l’orthodoxie de la maison, commencent à pointer aux abonnés absents, il se pose déjà un problème.
Lorsque les musiciens qui sont aussi chargés d’arranger ces morceaux, développent des trajectoires stylistiques et conceptuelles non pas diamétralement opposés, mais laissant entrevoir de grosses nuances dans l’exécution du makossa, prenons pour exemple Alhadji Touré et Toto Guillaume, il se pose un autre problème.
Le makossa existe aussi par les hommes qui se chargent de mettre leur fric dans la production de ces œuvres, pour les rendre accessibles enfin au public. Lorsque ces producteurs, pour une raison avérée ou non, estiment qu’il leur serait plus rentable d’y adjoindre des sonorités musicales issues par exemple du soukous congolais (alors en regain de forme à partir des années 90), modifiant ainsi, ses sonorités traditionnelles,  il se pose encore un autre problème.
Lorsque les artistes eux-mêmes, faisant preuve de peu d’intégrité intellectuelle, vu la trajectoire artistique jusque-là suivie, répondent à ces appels de sirène pour contenter un producteur, normalement plus soucieux de se remplir les poches que de se poser en protecteur d’un courant musical, référence pour tous, il se pose encore un autre problème. Mais, il se pose encore un problème plus grand, lorsque le public, pour lequel toutes ces actions sont soi-disant accomplies, en tire, plutôt qu’une satisfaction, une déception !
Pourquoi déception !? Mais tout simplement parce que ces tentatives maladroites de coller, de prendre le train en marche d’une histoire qui n’est pas la nôtre et, qui a donc commencé sans vous, sont toujours hasardeuses. Elles sont surtout mal perçues par les oreilles de mélomanes puristes. Ceux-ci ont tôt fait, dans un premier temps, de débusquer la supercherie et dans un deuxième, de rejeter sans ménagement l’œuvre qui ne correspond pas à la démarche artistique intrinsèque de l’auteur ! Seuls parviennent généralement à se contenter de ce genre de pièce musicale, des individus (nombreux dans la société), dont l’exigence première est de se dégourdir les muscles en s’empiffrant de décibels, quelles qu’en soient leur qualité et leur provenance.
Epoupa : La saison des pluies s’annonce, ceux qui ont des aimées, envoient déjà leur courrier ! Que quiconque ira  à Douala, dise à ma bien-aimée la douleur que j’éprouve quand je pense à son éloignement ! Elle m’avait envoyé une lettre où elle disait être en chemin! Mais qu’est-ce qui lui est arrivée pour qu’elle en vienne à changer d’avis ! Que quiconque ira  à Douala, dise à ma bien-aimée la douleur que j’éprouve quand je pense à elle… !

La mauvaise santé financière des chanteurs de makossa

Dina Bell, à l’instar de quelques autres noms de la musique camerounaise, a aussi connu cette période malheureuse où il a dû s’aligner au contexte général. Il y était certainement poussé par son producteur et son arrangeur de l’heure, et l’impression de pouvoir se faire un peu plus d’argent en réalisant cette soupe.
Il faut avouer que la mauvaise santé financière de ces chanteurs de makossa,  malgré tout le succès d’estime qu’ils rencontraient, au Cameroun et à l’extérieur, ouvrait la voie à toutes les formes de prostitution possible.  C’est ainsi qu’il a sorti un album somme toute pas, mauvais, mais qui ne correspondait pas à sa stylistique habituelle. Le titre Kodi é ma bwa bi nio est l’archétype de cette dérive vécue par Dina Bell. Il fait parti d’un album, qui apparaît dans les discothèques dans les années 90-91, ce dernier redisons-le, servi avec de belles mélodies, comme sait nous les concocter Dina Bell. Mais l’accueil des mélomanes avertis, ses inconditionnels,  sera froid et assez critique par rapport à cette introduction de la rythmique soukous ou dombolo dans son makossa.
Pourquoi cette intransigeance du public pour un auteur-interprète tel que Dina Bell et pas pour d’autres ? Pourquoi une telle levée de bouclier pour un artiste qui avait déjà tant donné à la musique camerounaise ? Tout simplement parce que la stature que Dina Bell s’est donné dans le makossa ne lui permettait, d’après le public, des écarts stylistiques de ce genre ! Ces mélomanes voyaient en lui et en quelques autres noms tels que Toto Guillaume, Ben Decca, Douleur, Jacky Ndoumbé, J.C. Mbimbè, etc., les détenteurs les plus significatifs des clés de la Maison makossa. Ce qu’on aurait pu pardonner à Moni Bilè et à quelques autres makossaman qui prenaient des libertés avec l’orthodoxie du rythme, ne leur était et  ne leur sera jamais permis !
Ayé ayé kodi è ma bwa bi nio : (La jalousie va vous tuer)    

Les années de renaissance

Pour Dina Bell dont la timidité, la réserve naturelle l’amène à cultiver un goût de la discrétion qui lui est même assez préjudiciable sur scène, le sursaut survient tout de suite après cet album ayant recueilli de la part du public, un accueil assez mitigé. La réconciliation, la mise au point intervient dans l’album suivant, débarrassé de ces ajouts disgracieux, qui ont failli contribuer à asseoir, un voile sur la personnalité artistique de ce grand serviteur du makossa. L’homme qui a toujours eu aussi pour habitude, d’offrir des œuvres à la thématique pondérée, équilibrée, renoue avec ses sensations et son public.
Certes, le contexte général de ces années 2000, n’est plus le même que celui des années 80 où le makossa régnait en maître sur la scène internationale. Les éternels rivaux congolais ruent dans les brancards ; en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire, longtemps restée à la traîne des grands courants musicaux africains, affûte ses armes ! Sur la place nationale elle-même, le Bikutsi boosté par un matraquage médiatique des plus politisés, apparaît avec des appétits déloyaux d’ogre ! Le golden-boy lui-même, passée l’époque d’euphorie des années d’or du makossa, semble être moins en verve, moins en vue, pour des raisons que nous n’aborderons pas ici. Mais, il continue quand même à affirmer, vaille que vaille son identité, en donnant à son public ce qu’il sait le mieux faire. Il occupe la place qui est la sienne dans ce dispositif makossa qu’il a contribué à construire, à diversifier. Il fait preuve de présence sur le terrain, en attendant le retour des jours meilleurs, pour tous les  occupants intègres de la Maison.
Nyam nu : C’est ma bien-aimée ! Ne venez plus jamais me parler des faits et gestes de ma femme ! Plus jamais ! J’ai choisi de vivre  avec elle  et non le contraire ! Ne venez plus jamais me parler de ces faits et gestes ! Ma chérie, même si l’on venait à me faire part de tes agissements, je n’y tiendrais pas compte, même si on me torturait, je me contenterais de prier qu’après tes moments d’égarement, de dépravation,  je me contenterais de prier de toujours te retrouver rien que pour moi ! Que cherche-je encore ?! J’ai déjà trouvé… ! C’est ma bien-aimée !

(A suivre)
©Essombe Mouangue 2010
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