dimanche 10 octobre 2010

Où se trouvent pour nous les refuges ?



Où se trouvent pour nous les refuges ?
Des refuges où nous puissions un peu souffler
Nous ressourcer,
Quel est ce patrimoine intellectuel culturel
Qui nous permettrait de nous reconstruire
 De nous conforter
Dans ce milieu naturel qui a toujours été le nôtre
Dans cet espace intime qui a ces particularités
Qui n’en finissent pas de nous interpeller.
Là où les politiques ont échoué
Avant d’avoir seulement commencé leur combat,
Combien d’espaces de virginité
Nous reste-il ?
Trop de sols ont été saccagés sur nos pas,
Lorsqu’ils n’ont pas été simplement stérilisés
Pour être jetés en pâture à la modernité ambiante
Les no man’s land se font de plus en plus rares
Notre musique
A travers les langues du terroir qui y sont aussi distillées
Reste l’une des rares alcôves où l’on puisse se mirer
Faire une pause
Et suspendre les méchantes époques qui nous dévorent !

lundi 27 septembre 2010

Toto Guillaume, l’artiste génial des années fastes du makossa



(Cet auteur-compositeur camerounais, est le témoin-clé par excellence des années d’or du makossa)

Il est de plus en plus reconnu que le makossa, ce rythme musical camerounais qui s’enracine dans le terroir sawa, a connu au cours de son évolution dans le temps, des années fastes. Périodes fastes que l’on a qualifiées à juste titre d’âge d’or du makossa, pour les différencier de nos années présentes, à multiples colorations musicales. Il est aussi incontestable qu’à ces moments privilégiés du makossa, on associe quelques témoins-clés, incontournables, qui ont été les acteurs historiques du rayonnement de ce rythme dont la notoriété est africaine et transcontinentale. Et s’il est un témoin-clé par excellence que nous devons évoquer, parce qu’il siège au beau milieu des années d’or du makossa, mais aussi parce qu’il a assisté en quelque sorte, au déclin de ce mouvement musical africain, c’est Toto Guillaume. Toto Guillaume, ce musicien et auteur-compositeur camerounais, dont on constate d’ailleurs que les années de silence discographique, correspondent à peu près, avec la fin de la prépondérance du makossa sur les rythmes africains de l’époque. Toto Guillaume qui, reste l’une des figures les plus emblématiques de l’histoire du makossa des années 70-90.
Mbela na Wuba: Cet amour que tu m’avais promis n’était qu’un amour mensonger/Tu ne voulais que me berner/ J’ai tout compris de tes manigances/ /tu peux te fâcher, te fâcher jusqu’à en éclater, mais à quoi cela va te servir, que peut la colère d’une poule devant un aigle qui vient de lui arracher son poussin, lui qui vole si haut, haut dans le ciel/ Sache que jamais, l’on ne pourra mettre en concurrence un aigle et une poule …/

Le caractère exhaustif de la formation musicale de Toto Guillaume

La plupart des chanteurs de variétés africaines, ne sont pas souvent issus de formations artistiques solides, sensées leur avoir prodigué une éducation musicale de qualité. Et ce, en raison même de l’absence de ces structures que sont les conservatoires de musique, les chorales, les groupes et autres Bands musicaux. Ils avancent à vue dans la jungle de cet art si difficile et exigeant. D’où la prolifération de novices ou mêmes de débrouillards dans la chose musicale proprement dite. Et surtout, la production d’albums qui n’apportent absolument rien de nouveau à l’histoire musicale ambiante.
Toto guillaume par contre, échappe au stéréotype habituel. Après sa contribution aux groupes scolaires habituels, (passage obligé de tout jeune) son apprentissage musical, il l’acquiert au sein des Blacks Styls, le groupe mythique de makossa de la ville de Douala. Il en partage le leadership, pendant de longues années (70-80), avec Kotty François. Un background musical local qui sera complété quelques années plus tard, dès son arrivée en France vers la fin des années 70, par des cours suivis dans un conservatoire de musique.
Musicien s’étant formé à la dure école du cabaret, qui se distingue aussi par la spontanéité créative, il intègre donc aussi la forme plus rigoureuse de son métier, constituée par la maîtrise de l’écriture musicale et les techniques historiques occidentales de création. Il n’est donc pas étonnant de constater une évolution entre ses productions de l’époque Black Styls et celles de son installation en France, vers le milieu des années 70. Et tout cela, sans pour autant que la coloration africaine de son œuvre ne soit entamée.
Françoise : Pourquoi ne réponds-tu pas à ma flamme, Françoise/ Voudrais-tu seulement me voir mort pour que tu saches que je t’aime/ Si le Créateur pouvait de son domaine céleste consentir à descendre, et administrer la sentence, tu pourrais enfin comprendre/ J’ai si mal, si mal, Françoise, je voudrais tant que tu comprennes la douleur qui me ronge, la douleur qui m’habite, la douleur d’un pauvre misérable  comme moi…

La cheville ouvrière privilégiée de l’âge d’or du Makossa

L’une des autres dimensions de Toto Guillaume, est d’être un compositeur et un musicien camerounais dont le nom et le talent ont été associés à la majorité des créations musicales camerounaises des années 80. On peut même affirmer qu’il y a très peu de chanteurs camerounais de makossa de renom, qui n’ait eu recours à son expertise dans ce domaine.  En effet, que ce soient les artistes de la première vague, c’est à dire les Eko Roosevelt, Dina Bell, Joe Mboulè, Jacky Ndoumbè, Pierre De Moussy, que ceux de la vague qui suit tout de suite après, que sont Doualla Alexandre (Douleur), Salle John, Axel Mouna, Penda Dalle, Jr Nelson, Charly Nelle, Jean Claude Mbimbè etc., tous ont eu à approcher la guitare rythmique et les arrangements inspirés de Toto Guillaume. Et tout cela,  au sein de ce groupe assez sélectif de musiciens camerounais doués, faisant leur beurre dans de petits studios de la région parisienne. Des instrumentistes talentueux qu’on allait tarder à surnommer, « l’équipe nationale » du makossa et dont il était le capitaine logique tout désigné.
Citons au passage les membres les plus actifs de ce groupe ; ceux qui ont contribué avec Toguy, d’une manière ou d’une autre à son rayonnement : Vicky Edimo, Jean Dikotto Mandengué, Aladji Touré, J.C. Naimro, Ebeny Donald Wesley, Lobè Valery, Jerry Manga, Fefe Priso, Kameni Kom Roger, Jimmy Mvondo, Irène Essomo, Sissy Dipoko, Charlotte Mbango, etc., Dans ces années 80-90, parvenir à  manager son album par cette « équipe nationale » de makossa était pratiquement le gage d’obtention du succès de sa production.
            Toto Guillaume, par la longévité de sa présence dans cette « équipe nationale »  a vu la naissance en son sein de la majorité des grands tubes makossa et autres de la musique camerounaise, des années 70-90. Hits qui ont été écoutés et dansés à travers le monde. C’est en cela, qu’il est l’un des vecteurs objectifs historiques, les plus importants du rayonnement de la musique camerounaise, dite de variété, dans le monde. En effet, bien plus que Manu Dibango dont l’œuvre n’a pas toujours eu une consommation ni une destination véritablement « pensé » pour égayer sur une piste de danse, les foules camerounaises et africaines, Toto Guillaume mérite le titre d’ambassadeur incontournable du makossa en tant que musique de variétés consommée abondamment dans les dancing continentaux et extracontinentaux !
 On notera d’ailleurs, comme nous l’avons dit plus haut, qu’assez bizarrement, la réduction de sa contribution musicale à cette « équipe nationale », mais aussi, la mise en  veilleuse  de sa carrière makossa, en solo, sonnent en fait, le glas de ces années d’or du makossa national. Années d’or, qui n’ont pas fini d’enchanter le public et de susciter un questionnement sur les raisons de leur succès et les causes de leur déclin.
Mbana nae / C’est donc toi-même qui m’a trahi/ Fifi que m’as-tu fait là ? /Tu as fait de moi un amoureux transi. Que peut-il m’arriver de pire maintenant que j’ai perdu ton amour/ Qu’il en soit ainsi, mon amour, qu’il en soit ainsi…  




(A suivre)
©Essombe Mouangue 2010
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Toto Guillaume et la guitare rythmique
(suite)

(Toguy demeure celui qui aura porté avec le plus de brio, dans la planète musicale, la guitare d’accompagnement  makossa)


Tout rythme de musique à ces fondamentaux sans lesquels on ne le distinguerait point des autres. Si l’on prend le Rythmes and Blues américain, la guitare rythmique siège au milieu de ses phases d’expression.  Si l’on considère le reggae jamaïcain, il est reconnaissable par le jeu fortement syncopé, en quatre temps de sa guitare d’accompagnement.  Dans le cas du makossa, on ne saurait en parler sans évoquer aussi le jeu de sa guitare rythmique qui évolue généralement sur trois notes. Certes, comme dans tout genre qui subit des influences externes, on peut y avoir noté ces derniers temps, des variations telles que des ajouts provenant principalement de la guitare solo du soukouss zaïrois. Mais le fond d’un bon makossa reste le même. Et Toto Guillaume, par la qualité de son jeu, a contribué à l’enrichir et à lui donner ses lettres de noblesse. Il a ainsi permis à une flopée d’autres musiciens camerounais, tout en y apportant leur touche propre de s’inscrire dans cette mouvance. On citera les Moni Miller, Missè Ngo François, Manulo etc., mais de tous, Toto Guillaume reste celui qui aura porté avec le plus de brio, dans la planète musicale, la guitare d’accompagnement  makossa. Et cela, par la qualité, le puritanisme, la rigueur de sa technique, et surtout par sa constante implication dans les albums de ses contemporains.
 A munja : Je suis venu te rendre visite/ je suis venu à tes eaux pour que tu puisses me porter conseil/ma préoccupation est amoureuse/ ô grande étendue d’eau ! Prodigue-moi des conseils, j’en ai besoin/ Parce que je n’ai point d’autre personne à qui m’adresser/c’est à cause de cela que suis venu à toi/J’ai tant envie d’une autre présence à mes côtés, mais chaque fois que j’y pense, je sais que je ne le puis…
 

Toto Guillaume et le goût de la perfection musicale


S’il est un domaine qui constitue une énorme tare dans la musique africaine, c’est bien celui de la qualité des enregistrements sonores portés à la délectation des mélomanes. Ceci s’explique par le fait qu’à une certaine époque, c’est à dire au cours des années 70, 80, 90, la majorité des enregistrements musicaux était réalisée dans des studios parisiens de seconde zone. Ils n’étaient pas soumis à cause de leur vétusté, et de leur dimension, à de véritables soucis de performance, même si leurs produits finis supplantaient largement ceux, des si peu nombreux studios camerounais de l’époque. Les raisons du choix de ces studios à ambitions réduites sont simples. A l’époque, les musiques de variété africaine n’étaient pas suffisamment rentables pour le marché parisien du disque. La consommation de ces œuvres, s’effectuait plutôt en Afrique qu’en France. D’où la sollicitation par les artistes africains de petits studios sans envergure, aux coûts d’enregistrement nettement plus abordables que ceux des grands majors des capitales occidentales. Il n’était d’ailleurs point aisé  d’y pénétrer ! Seuls quelques artistes camerounais triés sur le volet, ont eu le privilège, en ces années 60-70 de bénéficier des services de quelques grandes maisons de production de la place parisienne.  
Et en parlant des enregistrements de qualité, voilà encore un domaine où se distingue Toto Guillaume. Lui qui a été sociétaire du groupe mythique des Black Styls, qui a donc vécu les tous premiers enregistrements amateurs du groupe, réalisés dans les studios de la Radio Nationale. Maison de la Radio Nationale qui évidemment, n’était pas vraiment équipé pour cet emploi ; Toguy qui, en tant que musicien de studio sur la place parisienne est au courant de ce qui se fait de bon, d’approximatif et de médiocre dans ce domaine. Sa préoccupation va donc être d’atteindre une qualité d’enregistrement qui puisse tenir la concurrence avec les studios huppés de l’hexagone. Et parce que nous sommes dans les années 80, à l’ère de cette informatique qui révolutionne les techniques d’enregistrement dans les studios, il va tout simplement baptiser son makossa : « Makossa digital ». L’album Pay a Nyambè, l’une de ses dernières productions musicales connues, nous donne un aperçu de l’immense chemin parcouru, des premières prises de sons exécutées avec les Blaks styls, à la perfection sonore et instrumentale atteinte dès lors.
Ndand’a mbia: Si la pluie se refusait à se répandre au sol, où tomberait-elle ? / L’eau chaude a tendance à oublier qu’avant qu’elle ne devienne brûlante, elle a d’abord été froide/ Hélas, devenue chaude, elle se met à brûler les gens / Pourquoi  faut-il toujours tout fonder, sur l’ascendance naturelle, supposée ou réelle des individus ? Pourquoi faut-il toujours vouloir disséquer les racines d’un être humain, alors que nous sommes tous créées d’une même chair et d’un  même sang…

Toto Guillaume et le mixage des sons à travers  les instruments de musique du monde entier

Toute musique naît dans un environnement donné. Les instruments qui servent à son expression font souvent aussi partie intégrante de ce milieu donné. Et le concept de mondialisation se développant, toute musique a aussi besoin pour son enrichissement de sons et d’apports mélodiques ne faisant pas forcément pas partie de son environnement immédiat. Au risque pour elle, de se dénaturaliser, de faire du surplace et d’être supplantée assez rapidement par ses rivales du continent. Toto Guillaume l’a très bien compris, lui qui par sa stature de musicien de studio et de Bands, est au contact avec les tonalités occidentales, africaines et caribéennes. On n’insistera d’ailleurs jamais assez, sur l’apport des musiciens antillais de la place parisienne dans le makossa, et vice-versa, eux qui comme Jacob Devarieux et Jean Claude Naimro, entre autres, ont amplement participé, et continuent d’ailleurs à apporter leur contribution dans ses albums camerounais et africains. Et cela, en tant que musicien et même arrangeur. 
En incorporant donc au makossa des instruments tels que le violon, entre autres, qui sont habituellement utilisés dans les musiques classiques occidentales, et dans le jazz américain, Toto Guillaume peut-être considéré, avec des artistes comme Francis Bebey, Manu Dibango, comme l’un des précurseurs camerounais de cette rencontre entre des pratiques musicales culturelles, occidentales et africaines, qu’ont aurait pu penser de prime abord diamétralement opposé.
Avouons-nous-le, le talent d’un artiste consiste à rendre assimilable à sa musique et à sa culture, ses instruments nés dans des espaces culturels autres. Et toto Guillaume le réussit admirablement.
Dibena: Retourne-toi un peu pour me signifier ton amour /retourne-toi, ainsi, je vais me rendre compte de ton amour pour moi/Ainsi je vais me rendre compte que tu m’aimes/ Je vais m’en rendre compte, mon amour…

(A suivre)
©Essombe Mouangue 2010
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L’homme des textes intimistes : la dimension poétique de Toto Guillaume
(suite)

(Les compositions de Toguy prennent une dimension particulière, grâce au traitement linguistique alliant langage verbal courant, et tournures poétiques propres à la langue duala)

On reconnaît aussi un grand artiste à sa capacité à aborder des thèmes fondamentaux pour sa société. Dans le cas de Toto Guillaume, on ne parlera pas d’une implication ouverte dans la marche politique du pays ou du continent.  Les thèmes qu’il choisi de fouiller sont plus intimistes, instinctifs, dirions-nous même. Ce sont des sujets qui lui collent pratiquement à la peau, parce qu’ils le concernent au premier-chef. En tant qu’être humain, impliqué dans la marche d’une société où les agissements de ces concitoyens ne sont pas souvent des plus justes, des plus moraux, ni des plus logiques, il se révolte contre la méchanceté, la bêtise humaine, l’égoïsme, la convoitise, l’absence d’équité, etc. Il choisit ainsi d’interpeller, d’interroger, de fustiger son entourage, sur ce qu’ils considèrent comme des injustices commises sur sa personne ou sur des proches ou sur de tiers-personnes sans défense.  Mis à part les moments où il construit ses rengaines sur le thème de l’amour, la plupart de ces autres préoccupations, sont rarement anodines.
Interprète-compositeur croyant en Dieu, ces créations prennent aussi une dimension particulière, grâce au traitement linguistique alliant langage verbal courant, et tournures poétiques propres à la langue duala. Il faut dire que dans une bonne partie de ses créations, on assiste, à des montages poétiques, dont on ne retrouve la fréquence et la récurrence que chez des chanteurs tels que Douleur, ou encore Francis Bebey[1]. A ces trois artistes qui sont pratiquement des maîtres es duala, on pourrait éventuellement confier la refondation, ou plutôt la vulgarisation d’une langue en perte de vitesse, par manque de politiques internes, adaptées aux nouvelles donnes linguistiques tant nationaux, qu’internationaux.
Ndom’a mumi : Ndomè, oh ! Ndomè ! Même s’il t’arrive d’avoir des problèmes dans ta famille à cause de moi, ne me rejette pas/ Ndomè oh ! Ndomè ! Je sais que tu es à juste titre jalouse, mais s’il te plaît, pardonne-moi/  Ndomè oh ! Ndomè ! Il ne m’était jamais arrivé d’être amoureux, cette fois-ci, je le suis/ Ndomè oh ! Ndomè ! Ne me fais pas cela, il ne m’était jamais arrivé d’être amoureux, cette fois-ci, c’est plus fort que moi !/

La force du rapport à la mère chez Toto Guillaume

Dans la musique, tout comme dans la poésie africaine, on a souvent constaté une forte prédilection de nos artistes à traiter de thèmes qui ont pour sujet central, la femme ; la femme pour la femme, celle qui donne la vie, celle qui est le pendant amoureux de l’homme, celle qui est sa compagne indispensable, dans ses activités quotidiennes, génératrices de vie ou de survie dans la cité, etc., Certains artistes de variétés camerounaises, s’en sont même déclarés les défenseurs, sans que ces auto-proclamations tapageuses, ne recouvrent de fondement des plus évidents, ni même des plus cohérents, quant à une éventuelle démarche, tendant à protéger  concrètement l’intégrité féminine, ou même, à en promouvoir véritablement l’image.
Toto Guillaume, par son histoire naturelle, qui voudrait qu’il soit très tôt, orphelin de père, grandissant donc dans de fortes conditions de précarité, et le rejeton d’une mère qui sera victime, quelques années plus tard, de troubles mentaux, Toguy disons-nous, a développé une sensibilité assez particulière pour que l’on s’y attarde. Celle-ci, nous amène d’ailleurs à le classer parmi les rares chanteurs camerounais ayant couvé une écriture makossa à forte coloration mélancolique, dans un milieu tonitruant, où les thèmes abordés par les uns et les autres, sont généralement, plutôt extravertis qu’introvertis.
Cette émotivité à fleur de peau, lie ce grand timide, au devenir de cette mère, qu’il sait forcément sans protection, sans défense, surtout, depuis qu’il a dû s’en éloigner vers la fin des années 70, pour aller chercher fortune, hors du continent. Du coup, en notre artiste, sera toujours présent des sentiments, de tendresse de pitié, de regrets et de véritable amour filial, pour cette femme, cette mère qui reste au centre de son existence. Et il n’en sera que plus triste, plus affligé, lors de son décès dans les années 90, alors que de son « exil » parisien, il ne peut-être à ses côtés.
Le discours permanent qu’il entretient avec Emene Marie, sa mère, transparaît donc dans sa prolifique œuvre. Il y est souvent appelé à la prendre à témoin, lorsqu’il ne se plaint pas simplement, du sort assez injuste qu’il estime qu’elle subit, de la part de sa famille, cette famille, dont il n’ignore rien de l’irascibilité et de la cruauté sans merci. Surtout, lorsqu’on s’y attend souvent le moins. Et de surcroît, à l’endroit d’une personne atteinte d’une aussi fatale détresse mentale. De même, il exprimera dans ces mots à lui, sa désolation, son immense tristesse, ses regrets, lorsque les nouvelles de son décès lui parviendront.
Emene Marie : Toute votre famille s’est liguée contre elle, afin qu’elle devienne une errante/ Pas un seul d’entre vous pour s’y opposer/ Pour reconnaître son innocence/ Vous vous êtes tous associés pour la rendre malade/ Les années passent, et se succèdent les officines de traitement(dans le but de vaincre la maladie), mais jusqu’à présent, il n’y a aucun changement/ Nous n’attendons plus que la sentence/ Si c’est de sa mort dont il est question, que l’on nous permette de savoir, qu’enfin, ce rêve a pris fin/ J’ai encore besoin (d’elle),  j’ai encore besoin (d’elle), je vous en prie, ayez pitié de moi, ayez pitié de moi…

(A suivre)
©Essombe Mouangue 2010
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Toto Guillaume et le slow camerounais


(En créant Rosa, Masu ma ponda,  Dibonga lam, Dube longo, Bolea mba malea, Osi banga mba etc., Toguy a mérité de figurer au même rang que Ekambi Brillant, Dina Bell, Ben Decca et Grâce Decca, ces maîtres du genre).

L’histoire du slow, quels que soient les époques, les continents, a été toujours été le fait, majoritairement, d’écorchés vifs. Toto Guillaume, certainement, pour les raisons que nous venons d’évoquer, ne pouvait manquer d’être l’un des maîtres du genre au sein de l’espace musical camerounais. Proche de la gente féminine par la complicité longtemps entretenue et rechercher avec sa mère, nous pensons que le prolongement tout naturel de ce lien, mène à ce monde où la femme, sa présence, son soutien, son amour, constituent pour lui, une sorte de refuge, une seconde nature dirions-nous même. Sans toutefois entrer dans les détails de sa vie privée, cette inclination pourrait expliquer sa prédilection pour la production du slow (plus d’une dizaine), lui dont le parcours existentiel est jalonné d’histoires et de rencontres de grandes, comme de petites figures féminines. Histoires heureuses pour certaines et malheureuses pour d’autres.
Le talent du maître éclate cependant dans ces morceaux de musique qui sont majoritairement de véritables chefs-d’œuvre d’exécution musicale. Tout en étant pas un vocaliste des plus téméraires, mais en s’appuyant toujours sur son éclectisme d’évocation de la langue duala, il a su donner à ses slows, le maximum de ce qu’il en attendait. En créant Rosa, Masu ma pondaDibonga lam, Dube longo, Bolea mba malea, Osi banga mba etc., Toguy a mérité de figurer au même rang que les Ekambi Brillant, Dina Bell, Ben Decca et Grâce Decca, parmi ces autres maîtres du genre, qui ont allumé sur les pistes de danse, de concert avec les productions occidentales du genre, la libido de maintes générations de mélomanes camerounais, tous âges confondus.
Dube longo : Ecoute ce chant qui m’a été inspiré par mon ange-gardien pour vous mes frères bien-aimés/je ne suis que cet orphelin qui se bat pour s’en sortir/ Tout ce je réalise, je n’y parviens qu’avec l’appui de Dieu/ Qu’avec sa force/ Et je prie chaque jour qu’Il me donne encore plus de forces pour que je puisse continuer à vous chanter, les magnificences de la vie/ Il en est ainsi/Ma foi est grande/Mon étoile est venue, venue me prendre chez moi/mon destin est tout tracé…/
Nous ne reviendrons d’ailleurs pas ici, sur l’intérêt de l’œuvre de Toguy pour ses pairs, elle dont certains des titres-phares font toujours le lot des cabarets du pays et même, ont été repris par des artistes de la scène  musicale nationale et internationale. La reprise d’Emene Marie, du jeune auteur camerounais Munto Valdo, avec ses sonorités tirées du Blues américain, mérite d’ailleurs d’être écoutée.
Toutefois, il faut dire que le style assez tranché et exigeant de Toto Guillaume, rend difficile toute tentative d’auto-identification, de la part de ces jeunes artistes saturant actuellement, assez mollement, les devants de la scène musicale camerounaise. S’il continue sur sa lancée, Joly Priso paraît être, l’un des seuls à même de reprendre le flambeau de ce maestro dont les arrangements pour le compte de  ses collègues, et l’œuvre musicale intrinsèque, ont fait  tant de bien aux années fastes de la musique camerounaise.

Etablir les responsabilités

On ne dira jamais assez que les artistes majeurs d’une scène, d’un mouvement musical  auront toujours contre eux le public, ce public insatiable qui ne manquerait jamais de condamner leur abandon de cette scène qu’ils ont contribué à créer et à animer par leur génie. Dans le cas de Toto Guillaume, la condamnation est même plutôt sans appel. Car l’absence de cet homme de l’espace musical camerounais, plus précisément, du monde du makossa, dont il en était le capitaine incontesté de « l’équipe nationale », quelles que soient les raisons objectives de son départ, a provoqué un cataclysme énorme dans l’histoire musicale de ce rythme de la côte camerounaise. On a presque l’impression qu’il faut repartir de zéro ! Beaucoup d’artistes avant lui, tels que les Vicky Edimo, Dikotto Mandengue, et pourquoi pas Manu Dibango, instrumentistes doués s’il en faut, s’en sont éloignés, à un moment ou à un autre, sans que cela ne recouvre d’incidence majeure, sur le déroulement du makossa national. Beaucoup d’autres, ont fait leur apparition dans ce monde, sans parvenir à en modifier, a en bousculer les fondamentaux. Par contre, avec le départ de Toguy, est mort l’âge d’or du makossa. Avec son départ, l’édifice a vacillé et a commencé une nouvelle ère faite d’incertitudes et de tâtonnements. Plus grave encore, avec l’avènement des boites à musique et autres sons issus du numérique, on a même assisté à une régression technique et artistique de ce rythme, parce que nouvellement managé par des aventuriers, des artistes incultes de l’histoire musicale du makossa ; des bricoleurs de la chose musicale tout court ! Des farfelus à la démarche artistique facilement influençables, au  point de truffer le makossa de rajouts provenant majoritairement et presque exclusivement, du soukouss congolais ! 
Avec le départ de Toto guillaume de la scène du makossa, la continuité artistique qui aurait dû être le cheval de bataille de ces successeurs, ne s’est pas faite. Seuls quelques rares acteurs de la première heure comme lui, Dina Bell, Ben Decca, Douleur, pour en citer quelques-uns, essayent de s’en tenir, avec plus ou moins de succès, sur le chemin originel des Lobè Lobè Rameaux, Nellè Eyoum, Ebanda Manfred et Villa Vienne et autres. Mais, le mal est fait. Malgré ce qu’en dit Ben Decca dans l’un de ses albums de ses dernières années, le phénix hagard, roule encore dans ses cendres. Et, il est bien mal en point ! Moribond ! Terrassé !
Toto Guillaume a-t-il fait son temps ? Peut-être que oui ou, peut-être bien que non ! Mais, qu’il l’ait accomplit ou non, il y a des artistes comme ça qu’on ne pardonnera jamais d’avoir fait leur temps, et d’avoir tourné la page ; il y a des artistes comme Toguy, qu’on n’excusera jamais d’avoir osé abandonner la scène de leur vivant ; il y a des artistes comme Toguy qu’on ne pardonnera jamais de ne pas être mort l’arme à la main et, ce faisant, ayant refusé de consentir à ce sacrifice, d’avoir laissé les mélomanes sans défense face aux bandits de grands chemins qui ont pris les rênes en ces années 2000-2010
! Et ce ne sont ses apparitions sporadiques dans certains albums actuels qui seront pour nous satisfaire !
©Essombe Mouangue 2010
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[1] Malheureusement, Francis Bebey, lui, n’est plus de ce monde. 

mercredi 18 août 2010

Vicky Edimo, le bassiste créateur de Onguele



Le talent précoce, tel est Vicky Edimo, cet artiste qui n’a eu besoin que d’un titre pour s’inscrire durablement dans le cœur des mélomanes.

Vicky Edimo incarne par excellence, vers la fin des années 70, la jeunesse, L’insouciance, l'aventure, l'âge d'or d'un makossa naissant à l'international. Un makossa qui pose les jalons d'une réussite qui tiendra plus de 2 décennies durant, des années 80-90, le haut du pavé de la musique africaine, au côté de la sempiternelle présence musicale congolaise (les deux Congo). Il est l'un des plus beaux mythes de l'histoire des années fastes du makossa parce qu’il est assez représentatif d'une certaine époque mais aussi, par l'étrange brièveté de sa production discographique locale. Tout du moins, jusqu’à une période assez avancée, avant qu’il ne refasse une apparition timide dans les bacs, en cette année 2000 avec l’album Ongwanemo. Ce qui ne l'a pas empêché, pendant tout ces temps de « silence », de créer, d’explorer d’autres espaces musicaux et de demeurer dans l'esprit des aficionados avisés de la musique camerounaise. Comme quoi, il n'est pas nécessaire d'avoir une production statistiquement impressionnante dans le makossa, pour générer, canaliser l'admiration des foules ! Vicky Edimo lui, aura réussi cela en une seule composition !

Vicky Edimo, l’homme


Touché par la grâce des dieux dans son physique de bel africain, qui en fera rêver plus d’une, et dans son séduisant jeu de basse de gaucher, qui fera de lui et de Jean Dikoto Mandengue, les deux bassistes camerounais les plus en vue de la génération montante des années 70-80, il l'est encore plus, par ce 45 Tours dont le titre-phare, Onguele commis en 1977, va faire sa célébrité, de la fin des années 70 jusqu'à nos jours !
 Des exemples d’une telle réussite dans la musique camerounaise, il n’y en a pas légion. Des hommes qui se seraient distingués auprès des mélomanes par la production d’un album, ou même d’un 45 tours à succès, se comptent sur les doigts des mains. On peut citer Charles Lembè et pourquoi pas Jean Claude Mbimbé. Des artistes dont l’absence sur la scène musicale nationale continuent d’ailleurs à générer des interrogations auprès de leurs nombreux fans. Mais, qu’est-ce qui expliquerait l’engouement extraordinaire des camerounais pour ce morceau de musique né de l’esprit d’un jeune artiste, certainement  à la recherche de ses marques, en cette fin des années 70, où il n’était âgé que d’une vingtaine d’années ?  

Onguele


"Onguele", ce langoureux slow fondateur, exalte les affres d'une idylle amoureuse agonisante. Il apparaît dans un contexte économique où la majorité des jeunes Sawa de la ville de Douala, est prise, à tort ou à raison, précarité exige ou oblige, par le virus de l’expatriation. Ou peut-être, sont-ils tout simplement attirés par les lampions enchanteurs comme autant de sirènes, des villes occidentales !? Avec la cité parisienne et ses environs et pourquoi pas les Amériques, comme le  concentré le plus prisé de cette quête !? 
Cette boulimie ou cette incontinence migratoire, s'est d'ailleurs propagée de nos jours dans toutes les grosses agglomérations de l’hexagone, malgré les nombreuses restrictions, les pièges, les embûches, les fausses trappes, et les attrape-nigauds semés sur le passage de ces candidats à l'exil économique volontaire. Un chassé-croisé souvent comique, mais toujours dangereux, organisé par les représentations diplomatiques de ces nations occidentales, qui semblent devenues, de plus en plus jalouses de préserver leurs territoires de cet afflux massif d'immigrants en provenance des pays du Tiers-Monde, particulièrement de la région subsaharienne.
Dans ces années 70, ce radicalisme affiché dans les pays occidentaux, face à l’immigration venant des pays du Sud, n'était point encore visible. Et cela, sans doute du fait de la faible population d'immigrants africains présente sur le territoire européen, mais plus encore, certainement, parce que les économies de ces pays « avancés dans leur développement » disposaient d’une capacité suffisante pour absorber sans trop de mal cette main-d'œuvre bon marché, généralement employée dans des tâches subalternes  assez dédaignées par les nationaux dits de souche !
Vicky Edimo, comme bon nombre de jeunes avant et après lui, sautera le pas du voyage et celui d’une certaine forme de remise à plat du plus grossier des pratiques musicales du terroir, distendant le lien originel avec les ténors de ce genre musical qu'étaient les Nelle Eyoum, Ebanda Manfred et Villa Vienne, etc., sans toutefois perdre pied avec ce qui reste l’essentiel de son histoire musicale naturelle.


(A suivre)
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La qualité du texte


(Ce texte évoluait sur un terreau jeune, des plus réceptifs à ce message d’un romantisme qui vous nouait les tripes, par le fait d’une opération d’identification réelle ou imaginaire à sa thématique)

Dans le lot de départ de ces années où aller à l'aventure en Occident, était encore possible, nous retrouvons la plupart de ces artistes camerounais, qui allaient se faire un nom en Afrique, à partir de l’étranger. C’est-à-dire, Ekambi Brillant, Toto Guillaume, Dina Bell, Ben Decca, Valérie Lobè, Ebeny Donald Wesley, Pierre de Moussy, entre autres, toute une bande de jeunes gens désireuse d'insuffler du sang neuf au Makossa du terroir. Et ils avaient comme éléments en leur faveur, la nouveauté constituée par la qualité des enregistrements de studio relativement sophistiqué, mais aussi l'apport pluriel émanant des diverses communautés raciales présentes sur la place parisienne. Et cet apport pluriel, dans "Onguele mi minya", se manifeste par son texte bilingue (duala-français) et par une pureté et une unité formelles assez strictes, Vicky Edimo se servant juste de son magnifique vocal et d'une guitare pour porter son message harmonique.
Mais il faut retenir que le texte en lui-même qui traite de la fin d’une idylle, était dit de la manière la plus simple possible par Vicky Edimo. Que ce soit en français, ou en duala ce texte évoluait sur un terreau jeune, des plus réceptifs à ce message d’un romantisme qui vous nouait les tripes, par le fait d’une opération d’identification réelle ou imaginaire à sa thématique. Il est difficile d’imaginer le nombre de jeunes gens et de jeunes filles, qui quelque part, se sont vus « en situation » dans cette histoire qui les liait à leur condition sentimentale assez précaire et incertaine, pour des raisons d’ailleurs assez évidentes de jeunesse d’âge.
Onguele mi minya: Souviens-toi de ces jours où l’on était uni comme dans un rêve/ Il m’était impossible de me déplacer, sans que tu ne sois à mes côtés/Souviens-toi de ces jours, où l’on vivait notre amour sans penser à demain/ Mais tu as complètement changé de direction, tout comme les aiguilles d’une montre/ Ce qui a eu pour effet de me faire perdre toute santé /ô ma chérie ! Ton amour s’en est allé, comme  feuille morte chassée  par la brise, alors que je me mourais en pleurs/ Les larmes aux yeux, j’ai pourtant essayé de le retenir, mais je n’ai pas pu ! J’ai dû me rendre compte que je t’avais perdu, qu’il ne servait plus à rien de me répandre en larmes/ Souviens-toi de ces jours/ qu’est devenu notre amour/ Souviens-toi de ces jours/ Ces jours-là, ne les oublie jamais/  

Les précurseurs du slow camerounais


Avec Onguele mi minya, nous sommes pratiquement aux portes du slow camerounais. On ne doute d’ailleurs point que ces influences proviennent autant du slow français que du Blues américain. Ces artistes camerounais, dans cette fin des années 70, en ont vent prioritairement comme nous l’avons déjà dit, par le fait d’avoir fait le saut du voyage pour l’Occident. Celui-ci à pour conséquence d’élargir plus sûrement leurs horizons musicales. De ces voyages dans le monde, ils en reviennent généralement bardés d’une multitude de styles musicaux, dont il s’agit pour eux, d’en retenir la primeur et la qualité à leur compte.
Il y a certes avant cette réalisation de Vicky Edimo, des artistes comme Eboa Lottin, ou même François Missè Ngo, etc., qui font dans ce tempo langoureux, mais le trait, nimbé d’une connotation érotique, qui mène à la piste de danse, avec une magnifique jeune fille du pays, ( sawa ou autre) aux formes aguichantes, collée tout contre son corps, s’accentue et démarre pratiquement avec Onguele mi minya,  et quelques autres réalisations de ces jeunes artistes camerounais partis à l’aventure. Ce slow, né d’un brassage musical entre l’espace européen et américain, va se populariser sur le terrain, grâce aux boums et aux surprises-parties qui sont, dans ces années 70-80, le mode d’expression de cette foule de jeunes camerounais en mal légitimement, de distractions qui sortent de l’action uniquement et innocemment ludique de la période post-pubertaire.
            Avec Onguele mi minya qui est un chef-d’œuvre du genre, on va assister à un effet catalyseur qui va contribuer à instaurer le slow comme passage obligé dans tous les albums des artistes camerounais. On va ainsi retrouver au gré des humeurs des uns et des autres, un, deux et même trois slows dans un album, pour le plaisir évidemment des mélomanes qui en éprouvaient la qualité principalement sur les pistes de danse mais aussi, par la simple écoute ou en la compagnie galante d’une fille !
Le slow, du fait même de la difficulté stylistique qu’il représente, va aussi servir d’élément de mesure par rapport aux qualités vocales des différents interprètes camerounais. Du coup évidemment, des spécialistes de la catégorie, vont se démarquer du lot. Ils ont pour noms, Ekambi Brillant, Dina Bell, Toto Guillaume, Cella Stella, Ben Decca, Grâce Decca, Pierre Didi Tchakounté, etc.,
Le genre va connaître son apogée, des années 80 aux années 90, avant de perdre de son ampleur et de sa qualité à partir des années 2000, pour des raisons que nous aborderons ailleurs qu’ici. Mais pour l’heure, il suffit de savoir la place centrale et incontournable que cette composition de Vicky Edimo, occupe dans l’histoire du slow camerounais, au point que l’on est certain que s’il fallait en établir le top ten, Onguele y occuperait une place de choix, sinon l’une des meilleures. 

(A suivre)
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Onguele et l’introduction de la langue française dans les œuvres musicales camerounaises

Vicky Edimo et quelques autres paroliers camerounais flirtant dans leurs compositions avec des termes francophones, peuvent-être considérés comme les ancêtres des Ottou Marcelin, Henri Dikongue, Cyril Effala, Richard Bona, etc.,

L’écriture de ce texte dit majoritairement en langue duala, était saupoudré de quelques mots de langue française. En somme, rien qui soit fait pour déséquilibrer le déroulement normal de l’histoire en langue duala. Cependant, des mots qui agrémentent la coloration bilingue de ce morceau de choix de la musique camerounaise.
Au préalable, on aurait pu penser que Vicky Edimo pourrait  se passer de ces paroles tirées d’un espace linguistique extérieur à son continent d’origine. Mais à mettre à la décharge de l’artiste, elles s’intègrent si bien dans sa création, qu’elles ressemblent plus à des mots qui ont été assimilés par la langue duala, qu’à des ajouts inopinés, incongrus. Et c’est là où réside l’une des facettes du talent de Vicky Edimo : il est l’un des premiers à avoir introduit, avec brio, sans choquer, dans cette musique camerounaise de variétés, ce francophonisme plus qu’équilibré ; puisqu’on peut estimer que les rajouts linguistiques introduits restaient de faible importance. Contrairement à l’exagération qui allait suivre. Celle-ci provenant de la part de ces collègues du milieu artistique, qui ont tendu par cette inclination, à fragiliser l’utilisation des dialectes locaux, dans les œuvres musicales camerounaises.
Tendance à l’introduction de la langue française, qu’on allait voir se propager dans le milieu, dès les années 80. Et ceci, avec le plus souvent, moins de réussite, quant on sait le nombre d’artistes, ignorant de toute histoire musicale linguistique de la langue française, mais qui, malgré cela, téméraires qu’ils sont, voudraient coller à la mouvance générale ! On notera d’ailleurs que les seuls qui parviennent visiblement à tirer les marrons du feu, sont les interprètes-compositeurs, les paroliers camerounais, des années 90-2000. Ils sont même passés à la vitesse supérieure, devrions-nous dire, en donnant leurs textes intégralement en français, sans fausses notes linguistiques. Cette réussite s’explique par le fait qu’ils sont généralement dotés d’une culture musicale plus ouverte aux influences internationales. Leurs collègues du monde de cette variété pure et dure, qui tourne autour d’un makossa, généralement  truffé de soukouss congolais, pas toujours de bonne facture d’ailleurs, reste toujours à la traîne ! C’est en cela que Vicky Edimo et quelques autres paroliers camerounais flirtant dans leurs compositions avec des termes francophones, peuvent-être considérés comme les ancêtres des Ottou Marcelin, Henri Dikongue, Cyril Effala, Richard Bona, etc., Ces artistes qui ont fait de la langue française, un médium privilégié d’expression.
  
Onguele, à l’épreuve de la tribune de ses pairs

            Il n’est pas de grande création artistique qui échappe au regard, à la discussion dans le bon sens du terme, de ses pairs artistes. Ceux-ci sont appelés à s’en servir, comme une source d’inspiration privilégiée. Concomitamment à ce rôle de « déclencheur » d’autres compositions musicales, Onguele reste un morceau de choix pour tous les interprètes de cabaret du Cameroun. A travers les décennies, ils s’essayent toujours à égayer les mélomanes avec cette pièce de musique, qui n’a pas pris une ride, malgré le passage du temps.

Onguele de Tom Yom’s et d’Anny Anzouer

Sortie de l’espace assez particulier des cabarets, la qualité de l’œuvre a suscité aussi l’intérêt d’autres artistes consacrés de la place camerounaise. A ce propos, la reprise exécutée par le duo Anny Anzouer, Tom Yom’s dans les années 2000, en est l’une des plus belles illustrations. Je vous invite d’ailleurs à rechercher la version pour en apprécier toutes les subtilités, et prouesses vocales exécutées par ces deux pièce-maîtresse de la musique camerounaise de l’heure, malgré que l’un des acteurs de cette reprise, ne soit plus de ce monde.

(A suivre)
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Le bassiste émérite


Il est l’un des pans du talent musical de Vicky Edimo qui mérite d’être tout aussi considéré, parce que tout autant que l’influence de Onguele dans l’histoire du slow et de la propagation du francophonisme dans la musique camerounaise, son jeu de basse aura fortement marqué, même si ce n’est que de manière théorique, sympathique, maintes générations d’artistes camerounais, pour ne citer que ceux-là.
Les années 80 correspondent aux moments de l’éclosion des instrumentistes camerounais « exilés » sur la scène internationale, étant bien entendue que par scène internationale, nous entendons principalement, les principaux lieux occidentaux d’expression musicale, en vogue alors.  Avec évidemment Paris comme place incontournable pour tous ces jeunes artistes africains francophones qui ne pouvaient qu’y trouver déjà, des facilités de communications linguistiques.
 Vicky Edimo, bardé d’un talent de bassiste égrené dans des concerts scolaires, des participations dans des Bands de la ville de Douala, sans oublier son implication plus professionnelle dans des boites de nuit huppées de la ville de Douala telle que le Castel,  débarque donc à Paris pour s’y faire un nom, en exploitant toutes les facettes de son talent artistique. Ce qu’il va d’ailleurs réussir parfaitement, en devenant interprète de ses propres œuvres, musicien de studio, participant aux œuvres d’artistes africains et occidentaux ; musicien d’orchestre mettant son talent au service de quelques Bands et de quelques grands noms du show-biz international, avec lesquels, il va effectuer des tournées de concert, principalement en Europe et aux Amériques. Il devint ainsi, dans ces années-là, avec Jean Dikotto Mandengue, grâce à la variété et à la profusion de leur carnet d’adresse artistique, les deux bassistes camerounais, les plus en vue à l’international. Avec eux, va commencer à s’établir la réputation d’un pays d’Afrique Centrale qui se pourrait être un réservoir d’instrumentistes doués. Ne parlons même pas de Manu Dibango, qui avec son saxophone, avait déjà séduit le public occidental dès les années 70.
L’avènement de ces deux bassistes se présentait donc, comme venant confirmer la règle d’un Etat aux artistes capables de talents musicaux multiformes. C’est ainsi que lorsque d’autres bassistes et instrumentistes camerounais vont investir les places occidentales (particulièrement la place parisienne), au-delà de leurs mérites personnels, ils y arrivent précédés de préjugés favorables (pour une fois) à cause de ces illustres prédécesseurs qui ont balisé en quelque sorte le terrain pour eux. Et combien de ces noms devenus célèbres en ces années 2000 (Richard Bona, Etienne Mbappé, Guy Nsangué, etc.,) oseront nier le lien étroit, tout comme un cordon ombilical qui les rattache à ces fantastiques aînés ; eux qui lors de leur apprentissage à Douala de cet art si prenant, n’avaient que pour bornes visibles, que pour phares,  ces artistes-là ? Eux qui comme une autre pléiade d’instrumentistes camerounais, lors de leurs séances de jams se sont essayés à développer le doigté particulier « du roi du slap » qu’est Vicky Edimo, ou d’un Jean Dikotto Mandenguè, tout aussi inspiré !? En un mot, tout bassiste camerounais qui reconnaît faire partie de la famille, ne peut être en présence de Vicky Edimo et de Jean Dikotto Mandengue, sans mettre bas son chapeau, en signe de respect pour ces grands frères. Ils  sont pour eux, des personnages mythiques et qui de surcroît, ont rendu leurs rêves à eux possible.
      
            Vicky Edimo est sans nul doute, pour toutes ces raisons que nous venons d’évoquer, un artiste majeur de la scène musicale camerounaise. Nous ne regretterons seulement, que comme pour certains autres artistes camerounais qui ont émargé positivement, mais de manière trop brève dans cette histoire, qu’il n’ait pu avoir une influence plus grande, alors qu’il fait partie de ces rares acteurs camerounais disposant des capacités artistiques requises pour porter cet espace musical camerounais, vers des sommets toujours plus fructueux. Nous ne doutons d’ailleurs pas que sa réapparition en 2000 sur la scène du makossa avec l’album Ongwanemo ne soit là pour rappeler aux jeunes, les canons de ce courant musical qui a tant de mal à retrouver ses marques.

DISCOGRAPHIE :
-         Onguele (1977)
-         You are too young (1978)
-          Let me love you to night (1979)
-         This is my song (1980)
-         Thank you mama (1982)
-         Ongwanemo (2000)

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lundi 16 août 2010

Charles Lembè : le plaisir du texte bien rendu




(Charles Lembe, avec la production d'un seul album sorti des bacs dans les années 70, est devenu l'un des interprètes les plus incontournables de la musique camerounaise)

Il est assez rare et étonnant qu'à partir d'un seul album, un artiste puisse se construire une forte renommée, et cela, de façon relativement continue dans l'oreille des mélomanes avertis. Pourtant, comme des exceptions qui confirment la règle, Charles Lembè, à l'instar d'un Vicky Edimo a pu parvenir à cela. Il est arrivé à s'inscrire, de manière quasi permanente dans l'esprit des mélomanes camerounais, depuis la sortie dans les années 70 de cet album aux mélodies incontournables. Mieux encore, Il a réussi à partir de cet album à avoir une influence au sein de la tendance musicale qu'allait s'imposer une bonne partie des auteurs interprètes doués du pays. Ces compositeurs très exigeants dans leur démarche qui, au makossa pur et dur, d'un Moni Bilè, à l'Assiko syncopé d'un Jean Bikoko, au Bikutsi débridé des Têtes-brûlés, ou encore au Mangambeu effréné d'un Pierre Didi Tchakounté,
allaient préférer cultiver l'art assez difficile des chansons à texte. Leur quête étant manifestement de rendre accessible, les messages contenus dans leurs textes plutôt que d'atteindre à la satisfaction orchestrale, par le tripatouillage pas toujours heureux et inspirés d'éventuelles harmonies et dissonances musicales.
Mmabola mongo, Ton mauvais comportement est la cause de notre rupture/ Tu as pris pour occupation le vagabondage sexuel/ Quand je pense seulement à ta beauté passée, maintenant tu n'es plus qu'une branche desséchée / Plus personne ne te prend au sérieux/ Il n'y a plus d'amour entre toi et moi, tu n'existes plus pour moi … Le grillon s'est creusé sa propre tombe, le grillon s'est creusé sa propre tombe… )

Un vocal à part

  La technique vocale de Charles Lembè, est assez remarquable pour qu'on puisse l'évoquer. Charles Lembè, c'est une voix haute, fine, cinglante, avec quelques effets de bégaiements bien tempérés par une technique de chant admirablement maîtrisée. Une technique de chant propre à lui, qui rend reconnaissable sa voix entre toutes. Et cette voix généreuse, pour mieux exprimer la force de son message évolue dans un contexte musical sain, aéré, propice aux épanchements vocaux. En effet, à l'instar de certains interprètes du blues américain, ou même du slow français, une guitare classique et quelques mouvements de percussions, suffisent semblent-il, à notre homme pour atteindre la quintessence de son art. Une manière de rendre son art qui ne permet aucun artifice, aucune tricherie par rapport au public. On donne le maximum de ces qualités vocales ou rien ! Seuls le talent, la qualité et la pertinence du texte s'affirment.
On peut affirmer sans crainte de se tromper que Charles Lembè, Eboa lotin, et Francis Bebey sont les précurseurs de ce genre musical au Cameroun. Beaucoup de jeunes chansonniers de la musique camerounaise des années 90-2000, sont d'une certaine manière, les héritiers, de cette sorte de manifestation lyrique assez intimiste. On citera au hasard, Ottou Marcelin, Henri Dikongue, Donny Elwood, Richard Bona, Cyril Effala, etc.,
Nyuwé : Moi, cet orphelin qui n'a personne pour soutien, j'ai fini par être abandonné/
Mais toutes les mauvaises pensées n'ont servi à rien / Mon seigneur a exaucé ma prière/ par mon talent vocal et la dextérité de mes doigts, il m'a donné une richesse immense/ chaque homme a droit à une chance dans la vie / j'ai eu la mienne…

(A suivre)
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  La carte thématique des chansons de Charles Lembè

  
(Charles Lembè, met toujours un point d'honneur à soigner sa prononciation pour que son message parvienne à son destinataire, sans qu'il y ait possibilité de distorsion et donc d'interprétation abusive)

Comme beaucoup de chanteurs à texte, Charles Lembè a choisi de se tailler des textes sur mesure. Des textes qui expriment avant tout des préoccupations portant sur son environnement immédiat. L'accent particulier étant mis en exergue par le traitement spécifique apporté à ses sujets. Son sens de l'humour, sa gouaille naturelle l'amène à contourner et à détourner les sujets les plus sérieux de leurs charges émotives trop guindées. En effet qu'il soit surpris en train de discourir de relation amoureuse heureuse, de la duplicité féminine, de la beauté féminine, du sentiment de solitude éprouvé par l'homme abandonné par les siens ; même lorsqu'il s'interroge sur la justification de l'existence de l'homme sur terre, et sur toutes les injustices qu'engendre son comportement social ; qu'il soit en train de prodiguer des conseils à un jeune homme, Charles Lembè met toujours un point d'honneur, de sa langue acerbe, plus que verte
par moments, à donner à entendre les éléments les plus truculents, les plus déconcertants, et même les plus contradictoires, sur le thème abordé. Il est difficile au mélomane d'échapper à ses textes qui à tout moment, le surprenne, l'interpelle, le sorte de lui-même.

Elolombe : Tu es cette étoile qui me procure rayonnement/ Tu es ce miel si succulent dont je raffole/ Tu es cette chose qui trompe les hommes /Et j'ai entendu dire que tu es si peu de chose/ j'ai entendu dire que tu n'as aucun sens de la propreté…

   
La justesse de la langue de Charles Lembè

La dimension d'un parolier est aussi donnée par le soin particulier qu'il met à se servir de la langue, quelle qu'elle soit, qui lui sert de véhicule pour ses messages. Dans le cas de Charles Lembè, on note tout de suite, avant même d'entrer dans le volet de la langue proprement dite, de la qualité même de sa diction. Qu'il soit en train de chanter en ewondo, comme pour le titre Maa ding wa, ou en duala dont il use le plus, il serait difficile de dire que des mots nous auraient échappé, parce qu'ils auraient été mal prononcés ou parce que Charles Lembè aurait fait preuve d'un phrasé mélodique inaudible. Charles Lembè met toujours un point d'honneur à soigner sa prononciation pour que son message parvienne à son destinataire, sans qu'il y ait possibilité de distorsion et donc d'interprétation abusive. Parce qu'il intègre cette exigence dans sa démarche, il rejoint en droite ligne les grands interprètes du jazz américain dont on a eu aussi à noter la qualité de la diction.
Maa ding wa : je t'aime, mais pourquoi tu fais tant de manières!?/ Tu sais que je t'aime, mais pourquoi tu me déranges tant!?/Je t'aime, mais pourquoi tu me fais tant mariner!?/
  
L'utilisation du duala classique

Nous avons dit que la dimension d'un parolier est donnée par le soin particulier qu'il met à se servir de la langue véhicule de son message. Dans le cas de Charles Lembè, cet élément est intégré au plus haut point. Charles Lembè dont la majorité de ses compositions sont écrites en duala, se sert de cette langue bantou de la côte camerounaise, avec une maestria que l'on ne retrouve présente que chez des chanteurs tels que Francis Bebey, Douleur, pour la qualité des proverbes insérés dans ces compositions et Eboa Lotin, pour la gouaille et les pics assénés à ses souffre-douleur habituels que sont les femmes et les comportements asociaux de ses contemporains.
C'est donc une utilisation de la langue duala châtiée qui, tour à tour convoque des proverbes tels que "Eselè é pulisè momenè songo » (littéralement, le grillon s'est creusé sa propre tombe)" mais qui abonde aussi dans un emploi du duala des plus simples, accessibles à tout le monde, comme dans A mounam.
A mounam: Mon fils, apprends à t'écouter, à utiliser ton intelligence, n'écoutes personne, parce que tu es maintenant un homme/ Ne t'en remet jamais aux mauvais conseils/ sache que le véritable ami, ne se révèle que lorsque l'on est dans la souffrance/ Ne surestime jamais tes capacités/ Il en est de même pour cette fille que tu aimes, n'écoute personne, n'écoute que ton cœur/ Parce que maintenant tu es véritablement un homme…
(A suivre)
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  L'auteur interprété par ses pairs



(Si la preuve devait être faite qu'il ne suffit pas de produire des dizaines d'albums pour obtenir du public une reconnaissance quasi-éternelle de son œuvre, Charles Lembè, en ne commettant pratiquement qu'un seul album à succès, sur un total de deux ou trois, l'a prouvé.)



La dimension d'un chanteur est aussi donnée par l'empressement que mettent ses contemporains à interpréter son œuvre de son vivant. En ce qui concerne ce chapitre, Charles Lembè est largement plébiscité par ses pairs artistes. Que ce soit par ceux sévissant dans les cabarets, les pianos-bars du pays, ou encore, s'agissant de ces artistes qui ont acquis une certaine notoriété internationale après la sortie de quelques albums. On peut même affirmer qu'il y a très peu de chanteurs de cabarets qui à un moment ou à un autre de leur évolution n'aient sacrifié au passage obligé qu'est l'interprétation des rengaines si fortement expressives de Charles Lembè. Et suivant l'exemple de ces attaquants des pianos-bars, des artistes reconnus de la scène musicale camerounaise de l'heure, comme pour une révérence appuyée au maître, pas vraiment prolifique de ses prestations, ont tenu à intégrer ces chansons dans leur répertoire. Le duo Tom Yom's et Bebey Manga, déjà célèbre pour ces reprises, dans de nouvelles versions réactualisant le talent du créateur de Mot'a Benama, a longtemps trôné aux sommets des hits parades de la place camerounaise, dans les années 98-99. Henry Njoh a fait de même avec le titre Londo Longo. D'autres versions de ces titres peuvent paraître à tout moment.
    Toutefois, Reconnaissons-le, toutes ces versions d'un album à succès, ne sont que des crimes salvateurs de lèse-majesté. Ils ne sont commis qu'à cause de la trop longue absence de Charles Lembè sur le marché discographique camerounais. Malgré la sortie bien plus tard, d'un autre album véritablement méconnu du public. Un album qui n'a pas pu avoir le même impact magique que le tout premier, qui trône déjà en tant que pièce maîtresse, au sein du patrimoine musical camerounais.
Mais, supposons aussi un instant que seuls les aléas de la production musicale, ont dû priver ses nombreux inconditionnels du plaisir de réécouter Charles Lembè, dans d'autres plages musicales.
Londo Longo : Loin de moi avec ta malchance, ta compagnie me dépasse/ et ne m'amène point tes grandes réflexions, je suis si peu de choses, alors s'il te plaît, laisse-moi en paix/ Et comme tu es si jolie, et que les étalons foisonnent dans la ville, que vas-tu pouvoir faire ? Que ta route te soit fructueuse/ Et avec ta soif de biens matériels, d'or et d'argent, tu corromps les hommes, que ta route te soit fructueuse…

Si la preuve devait être faite qu'il ne suffit pas de produire des dizaines d'albums pour obtenir du public la reconnaissance de son œuvre, Charles Lembè, en ne commettant pratiquement qu'un seul album à succès, sur un total de deux ou trois, l'a prouvé. Plutôt que de verser dans la profusion, qui n'est pas toujours suivi de résultat probant, il semble avoir fait dans la sobriété pour un résultat d'emblée qui le place parmi les ténors de la chanson camerounaise. Car, il a su donner au paysage musical camerounais, des œuvres immortelles qui sont devenues des classiques, indispensables pour comprendre et expliquer l'histoire du cheminement d'une certaine forme de musique camerounaise : celle des paroliers, des chanteurs à texte. Tous ces artistes qui par la qualité, la force de leurs textes interpellent violemment la société et comptent, par cette manière peser sur son devenir. Et quoi de mieux, pour illustrer ce propos, que de vous donner à méditer sur les paroles de l'un de ces textes les plus forts, celui qui explique peut-être le mieux sa démarche et celle des nombreux jeunes qui allaient s'engouffrer dans ce domaine brûlant des chansons à texte.
Mot'a benama
: Que sommes-nous venus faire sur terre ? Pourquoi la paix est-elle absente de nos vies ? Pourquoi ne vivons-nous que de dénonciations et de trahisons ?/ Il y a pourtant de la place sur terre pour tous/ Il ne faut pourtant pas grand chose pour que chacun d'entre-nous puisse avoir de quoi manger/ Mais ces « lions » et ces « éléphants » ne nous permettent pas de respirer/ L'esprit de parenté est révolu, la véritable amitié de même n'existe plus/ Le meurtre et la guerre sont devenus le pain quotidien de l'être humain/ Il est en train de devenir une bête sauvage…

Charles Lembè en chansons

1. Mabola Mongo (Tes mauvais agissements), 2. Nyuwé
(L'orphelin), 3. Elolombé
(Tu n'es pas l'aurore), 4. Itouédi (Le pauvre), 5. Mota Benama (L'homme, un loup pour l'homme), 6. O Si Wengisane (Ne change pas) 7. Londo Longo (Amuse-toi bien), 8. Maading Wa (Je t'aime et ne t'amuse pas avec moi), 9. A Mounam (A mon fils).

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