lundi 12 septembre 2011

Douleur (suite) : Douleur, l’une des figures les plus emblématiques de la musique sawa



(Douleur ne s’attache pas seulement à se mettre en colère contre le sort, souvent dévalorisant, réservé à l’immigration africaine en Occident. Il est aussi profondément conscient du rôle qu’il se doit de mener dans son continent d’origine)


Douleur et l’indignation face aux injustices se déroulant au sein de  son propre continent

Cependant, Douleur ne s’attache pas seulement à se mettre en colère contre le sort, souvent dévalorisant qui est réservé aux membres de l’immigration africaine en Occident. Ce combat lui est beaucoup plus extérieur que pour beaucoup d’autres artistes et écrivains africains qui en viennent à s’identifier aux problèmes des banlieues européennes. Au point d’en oublier ainsi les luttes qu’ils ont à mener dans leurs propres arrière-cours africaines ! Apparemment, malgré son installation en Occident, Douala Alexandre est profondément conscient du rôle qu’il se doit de mener dans son continent d’origine. D’où son interpellation des forces vives du continent, à une époque (fin des années 80, où certainement le plus grand d’entre eux, Nelson Mandela[1] est encore emprisonné dans les geôles sud-africaines.
La dimension africaine de Douleur transparaît donc dans Wake Up Africa où il n’appelle simplement pas à la libération de Nelson Mandela mais, à l’éveil, au décollage économique de ce continent en proie, à la faim, la misère et au sous-développement structurel.
 Wake up Africa : free, free Nelson Mandela, Jesus Christos, Jesus Christ, come on helped my people…)
Et cette prise de position assez panafricaniste sur le devenir du grand ensemble africain, en appelle aussi à une autre qui lui est plus congénitale, plus immédiate : celle constituée par l’interrogation sur l’évolution de son groupe social ethnique.

Douleur, le héraut par excellence du monde et de la musique sawa

Dans cette thématique qui lui est particulièrement cher, lui le Douala de Deïdo va plus loin. Il retrouve les racines communes constituées par la grande famille, la matrice originelle intermédiaire Sawa. Celle dont l’autorité primitive, spirituelle et politique et judiciaire reste le Ngondo. Et évidemment, bardé de son rôle de héraut, rôle que lui confère autant, sa capacité à prendre pour sien, les tourments de ces concitoyens, que son utilisation du ngoso traditionnel, il s’en prend aux phénomènes de perte de pouvoir du peuple Sawa sur son environnement immédiat. Perte de rayonnement qui se manifeste sur le plan matériel par la vente de ce patrimoine foncier constitué en majorité par la ville de Douala et ses banlieues proches. Une situation qu’avait eu aussi à déplorer en son heure, le regretté Eboa Lotin dans l’un de ces titres les plus célèbres et les prophétiques.
            Une perte de pouvoir spirituel et politique qui est caractérisée aussi par la perte d’influence des grandes chefferies Sawa sur la marche politique du pays. Elles qui sont pourtant à l’origine du traité symbolique liant le Cameroun à l’Allemagne impériale de 1884.
Et parlant même de cette musique sawa qui a participé au rayonnement de ce groupe ethnique à travers le monde, il en vient à désapprouver la perte des fondamentaux laissés par les illustres aînés dans le domaine que sont les Nelle Eyoum, Lobè Lobè, Elie Mbongue etc.,  tout ça pour livrer au public une musique, qui va dans tous les sens et dont les paroles sont généralement d’une grossièreté sans équivoque. Avec cette critique même, foncièrement axée sur la perte des fondamentaux de la musique sawa, il se pose non seulement en témoin de la « science » musicale de ces illustres aînés disparus, mais en continuateur, en porte-flambeau d’une musique dont la mystique profonde lui semble être congénitale.

Le caractère mystico-sentencieux du titre Sawa douala


Avec le titre Sawa duala, Douleur sort du simple traitement anecdotique d’une œuvre voulant coller aux réalités socio-économiques et culturelles de sa région natale ; il entre de plein dans un traitement thématique et musical qui donne à sa création, une puissance d’évocation et même d’invocation, Hé oui ! qu’on ne retrouve dans aucune autre œuvre de la planète makossa ! Dans cette œuvre qui s’égrène telle une sentence, Douleur n’y est pas un quelconque artiste chantant mais plutôt un homme, un sawa armé, investit de tous les attributs traditionnels, sensés lui conférer cette parole d’aîné, cette gouaille de grand-frère implacable, jetant un regard des plus critiques et des plus violents sur le devenir de sa communauté. Si le talent de Douleur et son implication à la chose sawa, étaient déjà reconnus auprès des mélomanes camerounais, avant ce titre, celui-ci aura aussi contribué à assoir de manière incontournable et irréfutable, sa stature d’héraut du monde sawa.
Un engagement donc de Duala Alexandre pouvant paraître assez radical quant aux nombreux problèmes qui minent son groupement social sawa originel, surtout que ces problèmes sont loin d’être solutionnés.
Sawa duala : Douleur y parle de nombreuses figures emblématiques Sawa décédées, Soppo Priso entre autres, de la perte de pouvoir des sawa sur cet espace qui leur est vital/ De tous ces jeunes artistes sawa qui proposent maintenant au public, des œuvres vides de contenu/ mais aussi du sursaut nécessaire du Ngondo)


(A suivre)
©Essombe Mouangue 2011
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Pour tout travaux de presse book, de portrait d’artiste, de représentation d’artiste, etc., Contactez Essombe Mouangue à ce numéro de tel : 33 02 21 82- Douala Cameroun




[1] La libération de Nelson Mandela surviendra finalement, en février1990.