mercredi 4 janvier 2012

Douleur (suite) : Douleur le virtuose de la langue Duala


(La musique sawa a pour des raisons historiques, pour idiome de base, la langue duala. Par sa qualité de maîtrise de cette langue, Douleur est  l’un de ces meilleurs ambassadeurs à travers le monde musical !)

Il n’est pas surfait de dire que l’histoire du makossa est intimement lié à la langue duala. Cette langue duala qui fait partie d’un grand ensemble d’idiomes sawa, parmi lesquels on retrouve pêle-mêle, l’ewodi, le pongo, le malimba, le bankon, le subu, etc.,
L’une de ces langues, plutôt que le duala, aurait pu tout aussi être le terreau d’épanchement privilégié du makossa, puisqu’il est reconnu que beaucoup d’interprètes de ce genre musical ne sont pas des Duala, mais appartiennent à la grande famille Sawa. On notera d’ailleurs pour parler de ces interprètes qui font le renom de ce rythme, de l’apport assez important, venant des familles Bankon, Ewodi et Pongo ! Maints chanteurs et instrumentistes les plus illustres du makossa, sont originaires de ces trois grandes familles Sawa ! Ils ont participé à l’édification de la maison ; plus encore, ils continuent à en être des fers de lance par leur production, l’immensité de leur talent et leur implication constante à son inscription dans le temps ! Citons, sans toutefois avoir la prétention d’en donner la liste exhaustive, des noms tels que, Toto Guillaume, Missè Ngo François, Nkotti François, Joly Priso, pour les ressortissants Bankon, pour ceux originaires du Nkam (Ewodi), parlons de Manu Dibango Charles Lembe, Ngalle Jojo ; quant au Pongo, on retiendra les noms de Ekambi Brillant, Bolo le Danger, Richard Bona, Tom Yom’s[1], etc., 
Cependant, plus que des raisons objectives, des raisons historiques expliqueraient cette utilisation presque exclusive du duala dans la chanson camerounaise, basée au Littoral.

Les raisons de la prépondérance de la langue duala auprès des auteurs-interprètes du makossa

 Au Kamerun, dans les années pré et postindépendances, (50-60-70) la ville de Douala était la seule métropole d’importance (en dehors de Yaoundé) où pouvaient s’exprimer, les artistes camerounais en herbe, tout comme ceux confirmés. Et ceci, en s’exhibant dans des bars et cabarets naissants. Que ce soit de manière individuelle ou en émargeant collégialement dans un band. Les plus célèbres de ces lieux de détente qui hantent encore avec nostalgie l’esprit de certains mélomanes avertis étaient : l’ancien Mont-Cameroun (Bonadibong), Davum Bar (non loin de Mobile Bonakouamouang), Oryx Bar (Bonabéri), La Joie d’été (ancien Sonel Akwa)  dont parle avec son humour habituel, Douleur dans Ho shame, et le Mermoz Bar dont nous invite à nous rendre Nkotti François, dans l’un de ces titres tout aussi célèbre auprès des mélomanes de l’époque. 
Il devint tout à fait normal que dans cet environnement « douala » où l’idiome le plus usité par les populations, était tout naturellement le duala, ces artistes de la chanson venus d’horizons divers, en viennent à privilégier son utilisation dans la majorité de leurs créations ! Parce que lieu historique d’implantation des  populations douala dans le Littoral, mais aussi parce qu’à une certaine époque (toujours la même), cette langue a aussi été introduite pour apprentissage, d’idiomes du terroir, dans l’enseignement des enfants en âge d’être scolarisé ! Il se conçoit donc aisément que pour des commodités de communication, tous ces artistes qui pour autant, faisant parti de la grande famille sawa, n’en maîtrisaient pas moins leur patois d’origine, ont dû se résoudre à adopter le duala comme médium d’expression artistique.
Ce qui n’a pour autant pas empêcher certains d’entre eux, de remettre à la mémoire des mélomanes, leur appartenance linguistique à un autre espace, malgré sa forte proximité avec celui d’adoption dans cette ville cosmopolite. Et généralement ces sorties ont presque tous donné naissance à des titres assez mémorables. Titres qui évacuent l’argument qui se voulait soutenir qu’il leur était plus facile de chanter en duala, que dans leur langue d’origine !  Quant on écoute Missè Ngo chanter en Bankon (Amélie), de même Nkotti François ([2]bikwaye bi ndolo) et même Kangue Emile en langue bakaka, on retrouve cette même fraîcheur, cette même verve, cette réussite qui caractérisent leurs créations chantées en duala. Plus près de nous, le travail de revalorisation de leur langue et de leur culture, orchestrés par les jeunes Bankon, dans le collectif d’artistes Bankon, avec à leurs têtes, des artistes tels que Joly Priso, Narysse Pryse, etc. ; donnent à souhait à voir, leurs possibilités d’expression musicales au sein même de leur socle linguistique ombilical. Ils ont même été jusqu’à revisiter en langue Bankon, des titres de Toto Guillaume, chantés en duala, jusqu’alors, considérés comme des classiques de la musique camerounaise[3] ! Une rappropriation d’un espace culturel qui peut d’ailleurs être considéré comme légitime tant ces communautés sawa s’entrecroisent et s’enrichissent mutuellement.

(A suivre)


©Essombe Mouangue 2012

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[1] La liste est très longue pour que je puisse m’hasarder à en faire l’étalage ici. Je laisse à chaque ressortissant de ces groupes ethniques de  reconnaître les siens et d’en établir plus surement la liste.
[2] Que les linguistes bankon permettent d’avance, la légèreté d’orthographe.    
[3] Françoise, etc.,