lundi 27 septembre 2010

Toto Guillaume, l’artiste génial des années fastes du makossa



(Cet auteur-compositeur camerounais, est le témoin-clé par excellence des années d’or du makossa)

Il est de plus en plus reconnu que le makossa, ce rythme musical camerounais qui s’enracine dans le terroir sawa, a connu au cours de son évolution dans le temps, des années fastes. Périodes fastes que l’on a qualifiées à juste titre d’âge d’or du makossa, pour les différencier de nos années présentes, à multiples colorations musicales. Il est aussi incontestable qu’à ces moments privilégiés du makossa, on associe quelques témoins-clés, incontournables, qui ont été les acteurs historiques du rayonnement de ce rythme dont la notoriété est africaine et transcontinentale. Et s’il est un témoin-clé par excellence que nous devons évoquer, parce qu’il siège au beau milieu des années d’or du makossa, mais aussi parce qu’il a assisté en quelque sorte, au déclin de ce mouvement musical africain, c’est Toto Guillaume. Toto Guillaume, ce musicien et auteur-compositeur camerounais, dont on constate d’ailleurs que les années de silence discographique, correspondent à peu près, avec la fin de la prépondérance du makossa sur les rythmes africains de l’époque. Toto Guillaume qui, reste l’une des figures les plus emblématiques de l’histoire du makossa des années 70-90.
Mbela na Wuba: Cet amour que tu m’avais promis n’était qu’un amour mensonger/Tu ne voulais que me berner/ J’ai tout compris de tes manigances/ /tu peux te fâcher, te fâcher jusqu’à en éclater, mais à quoi cela va te servir, que peut la colère d’une poule devant un aigle qui vient de lui arracher son poussin, lui qui vole si haut, haut dans le ciel/ Sache que jamais, l’on ne pourra mettre en concurrence un aigle et une poule …/

Le caractère exhaustif de la formation musicale de Toto Guillaume

La plupart des chanteurs de variétés africaines, ne sont pas souvent issus de formations artistiques solides, sensées leur avoir prodigué une éducation musicale de qualité. Et ce, en raison même de l’absence de ces structures que sont les conservatoires de musique, les chorales, les groupes et autres Bands musicaux. Ils avancent à vue dans la jungle de cet art si difficile et exigeant. D’où la prolifération de novices ou mêmes de débrouillards dans la chose musicale proprement dite. Et surtout, la production d’albums qui n’apportent absolument rien de nouveau à l’histoire musicale ambiante.
Toto guillaume par contre, échappe au stéréotype habituel. Après sa contribution aux groupes scolaires habituels, (passage obligé de tout jeune) son apprentissage musical, il l’acquiert au sein des Blacks Styls, le groupe mythique de makossa de la ville de Douala. Il en partage le leadership, pendant de longues années (70-80), avec Kotty François. Un background musical local qui sera complété quelques années plus tard, dès son arrivée en France vers la fin des années 70, par des cours suivis dans un conservatoire de musique.
Musicien s’étant formé à la dure école du cabaret, qui se distingue aussi par la spontanéité créative, il intègre donc aussi la forme plus rigoureuse de son métier, constituée par la maîtrise de l’écriture musicale et les techniques historiques occidentales de création. Il n’est donc pas étonnant de constater une évolution entre ses productions de l’époque Black Styls et celles de son installation en France, vers le milieu des années 70. Et tout cela, sans pour autant que la coloration africaine de son œuvre ne soit entamée.
Françoise : Pourquoi ne réponds-tu pas à ma flamme, Françoise/ Voudrais-tu seulement me voir mort pour que tu saches que je t’aime/ Si le Créateur pouvait de son domaine céleste consentir à descendre, et administrer la sentence, tu pourrais enfin comprendre/ J’ai si mal, si mal, Françoise, je voudrais tant que tu comprennes la douleur qui me ronge, la douleur qui m’habite, la douleur d’un pauvre misérable  comme moi…

La cheville ouvrière privilégiée de l’âge d’or du Makossa

L’une des autres dimensions de Toto Guillaume, est d’être un compositeur et un musicien camerounais dont le nom et le talent ont été associés à la majorité des créations musicales camerounaises des années 80. On peut même affirmer qu’il y a très peu de chanteurs camerounais de makossa de renom, qui n’ait eu recours à son expertise dans ce domaine.  En effet, que ce soient les artistes de la première vague, c’est à dire les Eko Roosevelt, Dina Bell, Joe Mboulè, Jacky Ndoumbè, Pierre De Moussy, que ceux de la vague qui suit tout de suite après, que sont Doualla Alexandre (Douleur), Salle John, Axel Mouna, Penda Dalle, Jr Nelson, Charly Nelle, Jean Claude Mbimbè etc., tous ont eu à approcher la guitare rythmique et les arrangements inspirés de Toto Guillaume. Et tout cela,  au sein de ce groupe assez sélectif de musiciens camerounais doués, faisant leur beurre dans de petits studios de la région parisienne. Des instrumentistes talentueux qu’on allait tarder à surnommer, « l’équipe nationale » du makossa et dont il était le capitaine logique tout désigné.
Citons au passage les membres les plus actifs de ce groupe ; ceux qui ont contribué avec Toguy, d’une manière ou d’une autre à son rayonnement : Vicky Edimo, Jean Dikotto Mandengué, Aladji Touré, J.C. Naimro, Ebeny Donald Wesley, Lobè Valery, Jerry Manga, Fefe Priso, Kameni Kom Roger, Jimmy Mvondo, Irène Essomo, Sissy Dipoko, Charlotte Mbango, etc., Dans ces années 80-90, parvenir à  manager son album par cette « équipe nationale » de makossa était pratiquement le gage d’obtention du succès de sa production.
            Toto Guillaume, par la longévité de sa présence dans cette « équipe nationale »  a vu la naissance en son sein de la majorité des grands tubes makossa et autres de la musique camerounaise, des années 70-90. Hits qui ont été écoutés et dansés à travers le monde. C’est en cela, qu’il est l’un des vecteurs objectifs historiques, les plus importants du rayonnement de la musique camerounaise, dite de variété, dans le monde. En effet, bien plus que Manu Dibango dont l’œuvre n’a pas toujours eu une consommation ni une destination véritablement « pensé » pour égayer sur une piste de danse, les foules camerounaises et africaines, Toto Guillaume mérite le titre d’ambassadeur incontournable du makossa en tant que musique de variétés consommée abondamment dans les dancing continentaux et extracontinentaux !
 On notera d’ailleurs, comme nous l’avons dit plus haut, qu’assez bizarrement, la réduction de sa contribution musicale à cette « équipe nationale », mais aussi, la mise en  veilleuse  de sa carrière makossa, en solo, sonnent en fait, le glas de ces années d’or du makossa national. Années d’or, qui n’ont pas fini d’enchanter le public et de susciter un questionnement sur les raisons de leur succès et les causes de leur déclin.
Mbana nae / C’est donc toi-même qui m’a trahi/ Fifi que m’as-tu fait là ? /Tu as fait de moi un amoureux transi. Que peut-il m’arriver de pire maintenant que j’ai perdu ton amour/ Qu’il en soit ainsi, mon amour, qu’il en soit ainsi…  




(A suivre)
©Essombe Mouangue 2010
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Toto Guillaume et la guitare rythmique
(suite)

(Toguy demeure celui qui aura porté avec le plus de brio, dans la planète musicale, la guitare d’accompagnement  makossa)


Tout rythme de musique à ces fondamentaux sans lesquels on ne le distinguerait point des autres. Si l’on prend le Rythmes and Blues américain, la guitare rythmique siège au milieu de ses phases d’expression.  Si l’on considère le reggae jamaïcain, il est reconnaissable par le jeu fortement syncopé, en quatre temps de sa guitare d’accompagnement.  Dans le cas du makossa, on ne saurait en parler sans évoquer aussi le jeu de sa guitare rythmique qui évolue généralement sur trois notes. Certes, comme dans tout genre qui subit des influences externes, on peut y avoir noté ces derniers temps, des variations telles que des ajouts provenant principalement de la guitare solo du soukouss zaïrois. Mais le fond d’un bon makossa reste le même. Et Toto Guillaume, par la qualité de son jeu, a contribué à l’enrichir et à lui donner ses lettres de noblesse. Il a ainsi permis à une flopée d’autres musiciens camerounais, tout en y apportant leur touche propre de s’inscrire dans cette mouvance. On citera les Moni Miller, Missè Ngo François, Manulo etc., mais de tous, Toto Guillaume reste celui qui aura porté avec le plus de brio, dans la planète musicale, la guitare d’accompagnement  makossa. Et cela, par la qualité, le puritanisme, la rigueur de sa technique, et surtout par sa constante implication dans les albums de ses contemporains.
 A munja : Je suis venu te rendre visite/ je suis venu à tes eaux pour que tu puisses me porter conseil/ma préoccupation est amoureuse/ ô grande étendue d’eau ! Prodigue-moi des conseils, j’en ai besoin/ Parce que je n’ai point d’autre personne à qui m’adresser/c’est à cause de cela que suis venu à toi/J’ai tant envie d’une autre présence à mes côtés, mais chaque fois que j’y pense, je sais que je ne le puis…
 

Toto Guillaume et le goût de la perfection musicale


S’il est un domaine qui constitue une énorme tare dans la musique africaine, c’est bien celui de la qualité des enregistrements sonores portés à la délectation des mélomanes. Ceci s’explique par le fait qu’à une certaine époque, c’est à dire au cours des années 70, 80, 90, la majorité des enregistrements musicaux était réalisée dans des studios parisiens de seconde zone. Ils n’étaient pas soumis à cause de leur vétusté, et de leur dimension, à de véritables soucis de performance, même si leurs produits finis supplantaient largement ceux, des si peu nombreux studios camerounais de l’époque. Les raisons du choix de ces studios à ambitions réduites sont simples. A l’époque, les musiques de variété africaine n’étaient pas suffisamment rentables pour le marché parisien du disque. La consommation de ces œuvres, s’effectuait plutôt en Afrique qu’en France. D’où la sollicitation par les artistes africains de petits studios sans envergure, aux coûts d’enregistrement nettement plus abordables que ceux des grands majors des capitales occidentales. Il n’était d’ailleurs point aisé  d’y pénétrer ! Seuls quelques artistes camerounais triés sur le volet, ont eu le privilège, en ces années 60-70 de bénéficier des services de quelques grandes maisons de production de la place parisienne.  
Et en parlant des enregistrements de qualité, voilà encore un domaine où se distingue Toto Guillaume. Lui qui a été sociétaire du groupe mythique des Black Styls, qui a donc vécu les tous premiers enregistrements amateurs du groupe, réalisés dans les studios de la Radio Nationale. Maison de la Radio Nationale qui évidemment, n’était pas vraiment équipé pour cet emploi ; Toguy qui, en tant que musicien de studio sur la place parisienne est au courant de ce qui se fait de bon, d’approximatif et de médiocre dans ce domaine. Sa préoccupation va donc être d’atteindre une qualité d’enregistrement qui puisse tenir la concurrence avec les studios huppés de l’hexagone. Et parce que nous sommes dans les années 80, à l’ère de cette informatique qui révolutionne les techniques d’enregistrement dans les studios, il va tout simplement baptiser son makossa : « Makossa digital ». L’album Pay a Nyambè, l’une de ses dernières productions musicales connues, nous donne un aperçu de l’immense chemin parcouru, des premières prises de sons exécutées avec les Blaks styls, à la perfection sonore et instrumentale atteinte dès lors.
Ndand’a mbia: Si la pluie se refusait à se répandre au sol, où tomberait-elle ? / L’eau chaude a tendance à oublier qu’avant qu’elle ne devienne brûlante, elle a d’abord été froide/ Hélas, devenue chaude, elle se met à brûler les gens / Pourquoi  faut-il toujours tout fonder, sur l’ascendance naturelle, supposée ou réelle des individus ? Pourquoi faut-il toujours vouloir disséquer les racines d’un être humain, alors que nous sommes tous créées d’une même chair et d’un  même sang…

Toto Guillaume et le mixage des sons à travers  les instruments de musique du monde entier

Toute musique naît dans un environnement donné. Les instruments qui servent à son expression font souvent aussi partie intégrante de ce milieu donné. Et le concept de mondialisation se développant, toute musique a aussi besoin pour son enrichissement de sons et d’apports mélodiques ne faisant pas forcément pas partie de son environnement immédiat. Au risque pour elle, de se dénaturaliser, de faire du surplace et d’être supplantée assez rapidement par ses rivales du continent. Toto Guillaume l’a très bien compris, lui qui par sa stature de musicien de studio et de Bands, est au contact avec les tonalités occidentales, africaines et caribéennes. On n’insistera d’ailleurs jamais assez, sur l’apport des musiciens antillais de la place parisienne dans le makossa, et vice-versa, eux qui comme Jacob Devarieux et Jean Claude Naimro, entre autres, ont amplement participé, et continuent d’ailleurs à apporter leur contribution dans ses albums camerounais et africains. Et cela, en tant que musicien et même arrangeur. 
En incorporant donc au makossa des instruments tels que le violon, entre autres, qui sont habituellement utilisés dans les musiques classiques occidentales, et dans le jazz américain, Toto Guillaume peut-être considéré, avec des artistes comme Francis Bebey, Manu Dibango, comme l’un des précurseurs camerounais de cette rencontre entre des pratiques musicales culturelles, occidentales et africaines, qu’ont aurait pu penser de prime abord diamétralement opposé.
Avouons-nous-le, le talent d’un artiste consiste à rendre assimilable à sa musique et à sa culture, ses instruments nés dans des espaces culturels autres. Et toto Guillaume le réussit admirablement.
Dibena: Retourne-toi un peu pour me signifier ton amour /retourne-toi, ainsi, je vais me rendre compte de ton amour pour moi/Ainsi je vais me rendre compte que tu m’aimes/ Je vais m’en rendre compte, mon amour…

(A suivre)
©Essombe Mouangue 2010
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L’homme des textes intimistes : la dimension poétique de Toto Guillaume
(suite)

(Les compositions de Toguy prennent une dimension particulière, grâce au traitement linguistique alliant langage verbal courant, et tournures poétiques propres à la langue duala)

On reconnaît aussi un grand artiste à sa capacité à aborder des thèmes fondamentaux pour sa société. Dans le cas de Toto Guillaume, on ne parlera pas d’une implication ouverte dans la marche politique du pays ou du continent.  Les thèmes qu’il choisi de fouiller sont plus intimistes, instinctifs, dirions-nous même. Ce sont des sujets qui lui collent pratiquement à la peau, parce qu’ils le concernent au premier-chef. En tant qu’être humain, impliqué dans la marche d’une société où les agissements de ces concitoyens ne sont pas souvent des plus justes, des plus moraux, ni des plus logiques, il se révolte contre la méchanceté, la bêtise humaine, l’égoïsme, la convoitise, l’absence d’équité, etc. Il choisit ainsi d’interpeller, d’interroger, de fustiger son entourage, sur ce qu’ils considèrent comme des injustices commises sur sa personne ou sur des proches ou sur de tiers-personnes sans défense.  Mis à part les moments où il construit ses rengaines sur le thème de l’amour, la plupart de ces autres préoccupations, sont rarement anodines.
Interprète-compositeur croyant en Dieu, ces créations prennent aussi une dimension particulière, grâce au traitement linguistique alliant langage verbal courant, et tournures poétiques propres à la langue duala. Il faut dire que dans une bonne partie de ses créations, on assiste, à des montages poétiques, dont on ne retrouve la fréquence et la récurrence que chez des chanteurs tels que Douleur, ou encore Francis Bebey[1]. A ces trois artistes qui sont pratiquement des maîtres es duala, on pourrait éventuellement confier la refondation, ou plutôt la vulgarisation d’une langue en perte de vitesse, par manque de politiques internes, adaptées aux nouvelles donnes linguistiques tant nationaux, qu’internationaux.
Ndom’a mumi : Ndomè, oh ! Ndomè ! Même s’il t’arrive d’avoir des problèmes dans ta famille à cause de moi, ne me rejette pas/ Ndomè oh ! Ndomè ! Je sais que tu es à juste titre jalouse, mais s’il te plaît, pardonne-moi/  Ndomè oh ! Ndomè ! Il ne m’était jamais arrivé d’être amoureux, cette fois-ci, je le suis/ Ndomè oh ! Ndomè ! Ne me fais pas cela, il ne m’était jamais arrivé d’être amoureux, cette fois-ci, c’est plus fort que moi !/

La force du rapport à la mère chez Toto Guillaume

Dans la musique, tout comme dans la poésie africaine, on a souvent constaté une forte prédilection de nos artistes à traiter de thèmes qui ont pour sujet central, la femme ; la femme pour la femme, celle qui donne la vie, celle qui est le pendant amoureux de l’homme, celle qui est sa compagne indispensable, dans ses activités quotidiennes, génératrices de vie ou de survie dans la cité, etc., Certains artistes de variétés camerounaises, s’en sont même déclarés les défenseurs, sans que ces auto-proclamations tapageuses, ne recouvrent de fondement des plus évidents, ni même des plus cohérents, quant à une éventuelle démarche, tendant à protéger  concrètement l’intégrité féminine, ou même, à en promouvoir véritablement l’image.
Toto Guillaume, par son histoire naturelle, qui voudrait qu’il soit très tôt, orphelin de père, grandissant donc dans de fortes conditions de précarité, et le rejeton d’une mère qui sera victime, quelques années plus tard, de troubles mentaux, Toguy disons-nous, a développé une sensibilité assez particulière pour que l’on s’y attarde. Celle-ci, nous amène d’ailleurs à le classer parmi les rares chanteurs camerounais ayant couvé une écriture makossa à forte coloration mélancolique, dans un milieu tonitruant, où les thèmes abordés par les uns et les autres, sont généralement, plutôt extravertis qu’introvertis.
Cette émotivité à fleur de peau, lie ce grand timide, au devenir de cette mère, qu’il sait forcément sans protection, sans défense, surtout, depuis qu’il a dû s’en éloigner vers la fin des années 70, pour aller chercher fortune, hors du continent. Du coup, en notre artiste, sera toujours présent des sentiments, de tendresse de pitié, de regrets et de véritable amour filial, pour cette femme, cette mère qui reste au centre de son existence. Et il n’en sera que plus triste, plus affligé, lors de son décès dans les années 90, alors que de son « exil » parisien, il ne peut-être à ses côtés.
Le discours permanent qu’il entretient avec Emene Marie, sa mère, transparaît donc dans sa prolifique œuvre. Il y est souvent appelé à la prendre à témoin, lorsqu’il ne se plaint pas simplement, du sort assez injuste qu’il estime qu’elle subit, de la part de sa famille, cette famille, dont il n’ignore rien de l’irascibilité et de la cruauté sans merci. Surtout, lorsqu’on s’y attend souvent le moins. Et de surcroît, à l’endroit d’une personne atteinte d’une aussi fatale détresse mentale. De même, il exprimera dans ces mots à lui, sa désolation, son immense tristesse, ses regrets, lorsque les nouvelles de son décès lui parviendront.
Emene Marie : Toute votre famille s’est liguée contre elle, afin qu’elle devienne une errante/ Pas un seul d’entre vous pour s’y opposer/ Pour reconnaître son innocence/ Vous vous êtes tous associés pour la rendre malade/ Les années passent, et se succèdent les officines de traitement(dans le but de vaincre la maladie), mais jusqu’à présent, il n’y a aucun changement/ Nous n’attendons plus que la sentence/ Si c’est de sa mort dont il est question, que l’on nous permette de savoir, qu’enfin, ce rêve a pris fin/ J’ai encore besoin (d’elle),  j’ai encore besoin (d’elle), je vous en prie, ayez pitié de moi, ayez pitié de moi…

(A suivre)
©Essombe Mouangue 2010
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Toto Guillaume et le slow camerounais


(En créant Rosa, Masu ma ponda,  Dibonga lam, Dube longo, Bolea mba malea, Osi banga mba etc., Toguy a mérité de figurer au même rang que Ekambi Brillant, Dina Bell, Ben Decca et Grâce Decca, ces maîtres du genre).

L’histoire du slow, quels que soient les époques, les continents, a été toujours été le fait, majoritairement, d’écorchés vifs. Toto Guillaume, certainement, pour les raisons que nous venons d’évoquer, ne pouvait manquer d’être l’un des maîtres du genre au sein de l’espace musical camerounais. Proche de la gente féminine par la complicité longtemps entretenue et rechercher avec sa mère, nous pensons que le prolongement tout naturel de ce lien, mène à ce monde où la femme, sa présence, son soutien, son amour, constituent pour lui, une sorte de refuge, une seconde nature dirions-nous même. Sans toutefois entrer dans les détails de sa vie privée, cette inclination pourrait expliquer sa prédilection pour la production du slow (plus d’une dizaine), lui dont le parcours existentiel est jalonné d’histoires et de rencontres de grandes, comme de petites figures féminines. Histoires heureuses pour certaines et malheureuses pour d’autres.
Le talent du maître éclate cependant dans ces morceaux de musique qui sont majoritairement de véritables chefs-d’œuvre d’exécution musicale. Tout en étant pas un vocaliste des plus téméraires, mais en s’appuyant toujours sur son éclectisme d’évocation de la langue duala, il a su donner à ses slows, le maximum de ce qu’il en attendait. En créant Rosa, Masu ma pondaDibonga lam, Dube longo, Bolea mba malea, Osi banga mba etc., Toguy a mérité de figurer au même rang que les Ekambi Brillant, Dina Bell, Ben Decca et Grâce Decca, parmi ces autres maîtres du genre, qui ont allumé sur les pistes de danse, de concert avec les productions occidentales du genre, la libido de maintes générations de mélomanes camerounais, tous âges confondus.
Dube longo : Ecoute ce chant qui m’a été inspiré par mon ange-gardien pour vous mes frères bien-aimés/je ne suis que cet orphelin qui se bat pour s’en sortir/ Tout ce je réalise, je n’y parviens qu’avec l’appui de Dieu/ Qu’avec sa force/ Et je prie chaque jour qu’Il me donne encore plus de forces pour que je puisse continuer à vous chanter, les magnificences de la vie/ Il en est ainsi/Ma foi est grande/Mon étoile est venue, venue me prendre chez moi/mon destin est tout tracé…/
Nous ne reviendrons d’ailleurs pas ici, sur l’intérêt de l’œuvre de Toguy pour ses pairs, elle dont certains des titres-phares font toujours le lot des cabarets du pays et même, ont été repris par des artistes de la scène  musicale nationale et internationale. La reprise d’Emene Marie, du jeune auteur camerounais Munto Valdo, avec ses sonorités tirées du Blues américain, mérite d’ailleurs d’être écoutée.
Toutefois, il faut dire que le style assez tranché et exigeant de Toto Guillaume, rend difficile toute tentative d’auto-identification, de la part de ces jeunes artistes saturant actuellement, assez mollement, les devants de la scène musicale camerounaise. S’il continue sur sa lancée, Joly Priso paraît être, l’un des seuls à même de reprendre le flambeau de ce maestro dont les arrangements pour le compte de  ses collègues, et l’œuvre musicale intrinsèque, ont fait  tant de bien aux années fastes de la musique camerounaise.

Etablir les responsabilités

On ne dira jamais assez que les artistes majeurs d’une scène, d’un mouvement musical  auront toujours contre eux le public, ce public insatiable qui ne manquerait jamais de condamner leur abandon de cette scène qu’ils ont contribué à créer et à animer par leur génie. Dans le cas de Toto Guillaume, la condamnation est même plutôt sans appel. Car l’absence de cet homme de l’espace musical camerounais, plus précisément, du monde du makossa, dont il en était le capitaine incontesté de « l’équipe nationale », quelles que soient les raisons objectives de son départ, a provoqué un cataclysme énorme dans l’histoire musicale de ce rythme de la côte camerounaise. On a presque l’impression qu’il faut repartir de zéro ! Beaucoup d’artistes avant lui, tels que les Vicky Edimo, Dikotto Mandengue, et pourquoi pas Manu Dibango, instrumentistes doués s’il en faut, s’en sont éloignés, à un moment ou à un autre, sans que cela ne recouvre d’incidence majeure, sur le déroulement du makossa national. Beaucoup d’autres, ont fait leur apparition dans ce monde, sans parvenir à en modifier, a en bousculer les fondamentaux. Par contre, avec le départ de Toguy, est mort l’âge d’or du makossa. Avec son départ, l’édifice a vacillé et a commencé une nouvelle ère faite d’incertitudes et de tâtonnements. Plus grave encore, avec l’avènement des boites à musique et autres sons issus du numérique, on a même assisté à une régression technique et artistique de ce rythme, parce que nouvellement managé par des aventuriers, des artistes incultes de l’histoire musicale du makossa ; des bricoleurs de la chose musicale tout court ! Des farfelus à la démarche artistique facilement influençables, au  point de truffer le makossa de rajouts provenant majoritairement et presque exclusivement, du soukouss congolais ! 
Avec le départ de Toto guillaume de la scène du makossa, la continuité artistique qui aurait dû être le cheval de bataille de ces successeurs, ne s’est pas faite. Seuls quelques rares acteurs de la première heure comme lui, Dina Bell, Ben Decca, Douleur, pour en citer quelques-uns, essayent de s’en tenir, avec plus ou moins de succès, sur le chemin originel des Lobè Lobè Rameaux, Nellè Eyoum, Ebanda Manfred et Villa Vienne et autres. Mais, le mal est fait. Malgré ce qu’en dit Ben Decca dans l’un de ses albums de ses dernières années, le phénix hagard, roule encore dans ses cendres. Et, il est bien mal en point ! Moribond ! Terrassé !
Toto Guillaume a-t-il fait son temps ? Peut-être que oui ou, peut-être bien que non ! Mais, qu’il l’ait accomplit ou non, il y a des artistes comme ça qu’on ne pardonnera jamais d’avoir fait leur temps, et d’avoir tourné la page ; il y a des artistes comme Toguy, qu’on n’excusera jamais d’avoir osé abandonner la scène de leur vivant ; il y a des artistes comme Toguy qu’on ne pardonnera jamais de ne pas être mort l’arme à la main et, ce faisant, ayant refusé de consentir à ce sacrifice, d’avoir laissé les mélomanes sans défense face aux bandits de grands chemins qui ont pris les rênes en ces années 2000-2010
! Et ce ne sont ses apparitions sporadiques dans certains albums actuels qui seront pour nous satisfaire !
©Essombe Mouangue 2010
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[1] Malheureusement, Francis Bebey, lui, n’est plus de ce monde.