lundi 3 octobre 2011

Douleur (suite) : Douleur, l’une des figures les plus emblématiques de la musique sawa



(Il est rare de voir réuni en un artiste, une forte dimension religieuse tout autant qu’humoristique ! Douleur le réussit parfaitement, sans qu’à aucun moment, l’on ne puisse penser que ces deux états d’esprit paraissant assez paradoxaux, détonnent ou dénaturent l’unité de son œuvre)


Le sens religieux de Douleur


Les œuvres d’arts, qu’elle qu’en soit la discipline, celles qui s’impriment souvent durablement dans l’esprit des mélomanes, le sont le plus souvent par l’exploitation d’éléments de sens divers, sensés les équilibrer et les enrichir de manière irréversible. Que ceux-ci soient pensés en toile de fond ou dits, de manière plus ou moins directe ou immédiate. Parmi ses éléments de sens, citons l’élément religieux, celui qui tient au sacré ; qui en appelle à la place de l’être humain dans l’agencement de l’univers et même pourquoi pas, au pourquoi de ce monde qui nous est donné tout au plus, sans que nous n’en sachons de manière certaine, les finalités[1]. Dans Wake up Africa, le mélomane attentif constatera que des citations bibliques sont faites, en la personne de Moïse, et même du Christ. Ce qui nous amène à aborder une autre des dimensions de Douleur. C’est à dire, l’homme profondément pénétré de religiosité. Celui qui truffe la majorité de ses créations musicales, de références bibliques. Douleur qui va même jusqu’à adopter dans certaines de ses mélodies, un ton qui n’est pas sans rappeler le vocal d’un prêtre surpris  en pleine exécution de son service dominical !
Mais cet ancrage avoué au Christianisme, atteste certainement  pour Douleur, le besoin d’affirmer la force de son sens religieux et spirituels naturels, tel que transmis par son entourage immédiat, qu’un choix impératif, à priori,[2] pour cette philosophie religieuse issue du Moyen-Orient, comme bien d’autres. On l’imaginerait aussi aisément revêtu des attributs d’un grand prêtre Egyptien, serviteur d’Amon Râ et pourquoi pas en bonze tibétain ou encore en moine hindouiste... ce qui importe surement, c’est l’affirmation d’un « lien » avec des forces innommables sensées être à la création et à l’ordonnancement du monde.
Quoi qu’il en soit de cette introduction du sacré dans ses compositions par l’entremise de larges pans de cultures bibliques, celle-ci contribue à enrichir énormément le contenu de ses textes. Ils en revêtent une pertinence et une forte solennité, dont on ne retrouve la qualité et l’ampleur chez aucun autre chanteur à vocation populaire de la place ! En cela encore, il se distingue de quelques autres tenants du makossa qui utilisent de manière superficielle, les citations religieuses, sans qu’on ne voit en leur personnalité, une véritable implication, une quelconque cohérence dans ce domaine proprement dit. En cela, de par leur nature intrinsèque, soulignons-le, ils restent majoritairement, sur le côté basique traditionnel du makossa. Celui qui fait de cette musique primitivement, des sons festifs, tournant évidemment sur une thématique essentiellement elle-aussi festive ! En ceci, Douleur qui est cette « douleur »[3] qui restera, est plus à lier certainement avec la douleur, la souffrance ou la passion de l’autre sur la croix…
 Diso la suwe : Même si la galère installe la déprime dans tes pensées, dis-toi bien que ta dèche, notre Père n’en ignore rien/ Lorsque je suis né, j’ai compris que cette existence me serait difficile, mais je me suis dit qu’il fallait mieux éviter de me prendre la tête, pour me prémunir de toutes sortes de malchances/ Si tu ne sais pas prier, tu ne t’en sortiras jamais/ Mon seul réconfort demeure ma muse, mon chant qui se doit de me protéger de toutes mes infortunes, de tous mes adversaires/ Chacun d’entre nous récoltera ce qu’il aura semé ; je ne me lamenterai plus, je ne me lamenterai plus, j’ai compris ce que c’est que la vie/ Je m’en retournerai, m’en retournerai, je ne me lamenterai plus, j’ai compris ce que c’est que la vie... )

Douleur, l’homme de l’humour à multi-facettes

Comme nous l’avons laissé penser dans le chapeau d’introduction à cette suite de portrait sur Douleur, l’énorme intérêt manifesté par Doualla Alexandre pour la chose religieuse, aurait pu donner l’impression, que nous nous trouvons en présence d’un personnage austère, difficile, constipé, renfrogné, un moine, quoi ! En un mot, un personnage peu enclin à la plaisanterie et au rire. Tendance pourtant communément répandue en Afrique Noire. Ce qui serait faire mentir la légende, car Douleur est un artiste qui se caractérise heureusement pour les mélomanes, autant par son sens religieux que par son humour corrosif ! Humour que l’on retrouve présent dans la majorité des thèmes que nous venons tantôt de citer. Que Doualla Alexandre soit surpris dans la douleur, la mésaventure, l’infortune, ou dans la joie, il use toujours de cet humour bon enfant, surprenant, lorsqu’il n’est pas simplement ironique ! Et même de cette autodérision, qui l’aide à transcender certaines situations qui ne l’ont pas souvent été favorables. Humour dont les mélomanes avertis qui le suivent depuis près de trente ans, ont appris à reconnaître les multiples facettes. Et la majorité des thèmes qu’il aborde, passe par ce traitement désopilant, qui les revêtent d’un éclat particulier : l’amour où encore les relations sentimentales qui sont d’ailleurs approchées avec le plus grand tact, sont le plus souvent pour lui, l’occasion de pointes comiques qui éclatent fortement dans des titres tels que Wonderfull wordJombwe nde , Peux Maintenant, Nkunkele, Mademoiselle, Lambo la tamba etc., Même des symboles les plus fondateurs du Christianisme, sont traités de manière amusante dans le titre Gloire aux femmes. Sa collaboration artistique avec des auteurs-compositeurs du continent n’échappe pas elle-aussi, à ce besoin espiègle de dire les choses en y apportant sa touche particulière. Souvenez-vous du duo avec Maiga, la chanteuse ivoirienne.
Cette utilisation de l’humour que l’on retrouve dans les œuvres de Douleur, qui amène souvent l’auditeur à se demander quant-est-ce qu’il est sérieux, et quant-est-ce il ne l’est pas, il est difficile d’en ravoir la constance dans les œuvres de ces contemporains. Tout au plus peut-on évoquer certaines figures de la musique camerounaise, qui ont eu dans quelques-uns de leurs titres à faire preuve d’humour[4]. Mais si on doit rapprocher certaines d’entre elles de Douleur, par leur capacité permanente d’autodérision, parlons du regretté Pablo Ekambi ou encore, plus près de nous, d’un interprète comme Hugo Nyamè qui, non content d’être assis dans les fondamentaux vocaux de son aîné, est aussi doué d’une capacité d’autodérision appréciable.
Gloire aux femmes : (sans argent pas de sexe) ; entre l’homme et la femme, mais qui sait qui  porte le caleçon à la maison ?/ On m’aurait dit que l’amour était fou et défendu, moi j’aurai jamais crû/ Jésus a vu tout ça venir il a fait marathon/ Dieu a compris ça, il a fait demi-tour/ Il a  même juré qu’il ne mettra plus pied sur terre/  Seulement Marie est restée pour l’amour de ses enfant/ On va voir qui est qui dans la maison/  No money, no money oh, no money no jigijigi, no jigijaga/ You get money you talk/ You no gettam you sleep/ You no gettam you no vex/

(A suivre)
©Essombe Mouangue 2011

Consulter :
 musiquescamerounaises.blogspot.com
essombemouangue.blogspot.com
marevuedepressec.blogspot.com
Pour tout travaux de presse book, de portrait d’artiste, de représentation d’artiste, etc., Contactez Essombe Mouangue à ces numéros de tel : 33 02 21 82- 97 81 05 73 – Douala- Cameroun






[1] De l’animisme des peuples préhistoriques, au polythéisme égyptiens, grecs, romains et finalement au monothéisme des peuples du Moyen-Orient, tant qu’il y aura des hommes, l’histoire des religions restera en perpétuelle évolution. Tout comme l’évolution darwinienne des espèces. On n’en a pas encore vu le bout du tunnel !
[2] L’évocation du Mungi dans Sawadouala souligne à souhait,  la multiplicité d’expériences mystiques dont est capable Douleur. On peut même parler d’une dualité d’approche de la chose religieuse dans son ensemble.
[3] Ecouter attentivement le morceau Sawadouala.
[4] L’humour corrosif de Charles Lembe, n’est plus  à narrer. Francis Bebey, dans le genre aussi n’était pas un maladroit. De même, la gouaille d’Eboa Lotin était aussi bien connue du public camerounais.