dimanche 23 janvier 2011

Dina Bell, un souffle nouveau


(Dans les années 80, Dina Bell est l’un des porte-étendards les plus accomplis de tous ces jeunes auteurs-interprètes Camerounais qui allaient se faire un nom, à partir de la place parisienne, dans le firmament encore dégagé de la scène musicale camerounaise.)


            Lorsque le public camerounais découvre le chant tonique de Dina Bell, dans le tout début des années 80, avec le titre Yoma-Yoma, il se rend compte qu’il est en présence d’une nouvelle dynamique du makossa. Il en est même confronté à un nouveau démarrage d’un makossa plus dansant, plus syncopé, plus rafraîchissant. Celui-ci, dans son développement,  contraste visiblement avec la pratique, manifestement plus modeste dans ses sonorités, ses ritournelles, des pairs fondateurs du rythme (Lobe Lobe Rameaux, Nelle Eyoum, etc), et celui des ténors de ces années-là, évoluant principalement au sein des Bands et des cabarets de la ville de Douala (Los Calvinos, les Blacks Styls, etc,).
Cette nouvelle dynamique qui naît dans de  modestes studios d’enregistrement de la cité parisienne, est  incarnée par toute une bande de jeunes artistes en herbe, au pédigrée pratiquement inexistant, sauf peut-être le fait, pour la majorité d’entre eux, d’avoir testé leurs dons vocaux, à Douala, leur ville de naissance, lors des concerts scolaires des années 70. Période au cours de laquelle, quelques établissements publics tout comme privés du pays, se faisaient encore une joie de posséder de petits orchestres destinés à égayer leurs élèves, lors des fêtes et autres manifestations scolaires.
Dina Bell est l’un des porte-étendards les plus accomplis de tous ces jeunes gens auteurs-interprètes qui, à partir des années 80, par les possibilités artistiques musicales offertes sur la place parisienne, sans être des instrumentistes remarquables, pour certains, allaient se faire un nom dans le firmament encore dégagé, de la scène musicale camerounaise. Citons en quelques-uns au tout hasard, qui ont été, tout comme lui, les principaux bénéficiaires de cette ouverture musicale à Paris, l’une des villes françaises les plus cosmopolites en matière entre autres, d’art et de mixage racial : Joe Mboulé, Moni Bilè, Ben Decca, Jacky Ndoumbé, Pierre de Moussy, Douleur, Jean Claude Mbimbé, Guy Lobé, Ndedi Dibango, Charly Nellè, Jr Nelson, Féfé Bekombo, etc.,
Yoma-yoma : Toi cette fille de mauvaise vie, cette fille sans cœur, cette fille au cœur toujours insatiable/ Ils se sont servis de ton corps et  t’ont  abandonné/ Ils  se sont abreuvés à ton corps et t’ont abandonné/ Ils t’ont menti et t’ont abandonné/ Ah ! Cette fille sans importance, cette moins que rien/ c’est elle qui a mis au monde un bébé dans un pot d’enfant, pour finalement prétendre que ce n’est qu’un souriceau/ Pour finalement prétendre que ce n’est qu’un souriceau/  

Les années fastes

            Il semble assez évident de diviser la carrière musicale de Dina Bell en de grandes périodes assez tranchées qui constituent un résumé assez pertinent de l’implication et de la contribution de l’homme au béret, à l’histoire de la musique camerounaise. On parlera donc grosso modo, des années fastes qui collent étrangement avec l’âge d’or du makossa ; on s’attardera sur les années de turbulence, de doute, qui eux, semblent concorder aussi, avec le début du déclin de ce rythme un peu partout dans le monde. On  finira avec les années de renaissance qui courent toujours. Nous espérons d’ailleurs, qu’elles se révèleront aussi fructueuses que celles de tout début de carrière, de cet autre artiste majeur de l’histoire du makossa.
D’emblée, en ce qui concerne les années fastes de Dina Bell dans la pratique du makossa, l’apport direct ou indirect qu’on pourra lui imputer, c’est d’être l’un des premiers  à être sorti de sa construction classique, pour produire, il est vrai aidé en cela par des instrumentistes à la vision exceptionnelle tel que Toto Guillaume, par exemple, un makossa que je qualifierais à rallonges ou à rebondissement. Un makossa à rebondissement parce que, plutôt que de coller à la construction classique du makossa, dont le découpage le plus simple consistait en une entame musicale cool, suivie d’une période plus chaude, plus débridé, qui vous menait à la fin du morceau, ou bien qui était suivi d’un troisième temps presque aussi calme que le tout premier, le makossa de Dina Bell allait plutôt multiplier au sein d’une même composition, ces phases cool et chaudes. Ce qui avait pour résultat de multiplier les refrains, les changements de rythme, et ainsi, d’impulser une plus grande richesse rythmique et mélodique. Des morceaux d’une longueur assez appréciable (5 à 7, voire 8 minutes), grâce à cette nouvelle construction, se permettaient ainsi d’éviter les nombreux écueils de la monotonie sonore. Ecueils dont sont toujours victimes d’ailleurs, une bonne partie des créations africaines, qu’elles soient congolaises, ivoiriennes ou camerounaises. Et pour cause, elles continuent toujours à confondre, redondances musicales et musiques bien léchées et concises !

Mbemba Iyo

Le chef-d’œuvre de cette inclination et construction musicale adoptée par Dina Bell est sans nul conteste, Mbemba Iyo. Sorti des bacs dans les années 80, c’est le titre-phare de l’album qui allait consacrer l’homme au béret, comme l’un des makossa-man les plus en verve, les plus adulés au Cameroun, au cours de ces années 80 et 90. Il suffit pour se rendre compte de sa notoriété de l’époque, d’avoir assisté  au concert organisé dans l’enceinte du  Cinéma le Concorde dans les années 80 ! La salle était pleine à craquer ! On refusait même du monde, on n’était pas loin de la starmania ! On l’était même carrément ! Hé oui ! On en était encore à l’ère où les spectacles initiés par ces artistes de la nouvelle vague du makossa, attiraient des foules considérables, preuve de l’adhésion et de l’auto-identification du public à ce rythme du terroir devenu international. 
Cette apparition du Makossa à rallonges symbolisée à juste titre chez Bazor, par le titre Mbemba Iyo, allait avoir auprès de ces coreligionnaires de l’époque, des échos tous aussi accomplis, et  toujours aussi prisés par les mélomanes. Lorsqu’on écoute des pièces musicales comme Chagrin d’amour, Osi Tapa Lambo Lam de Moni Bilè, Ndolo l’Amour de Pierre De Moussy, Dina Lam de Jean Claude Mbimbè, Amour à sens unique de Ben Decca, Ne nde tonon, bomele mba de Jr NelsonEsther de Ndedi Dibango entre autres, on sent la forte proximité technique et artistique qui a présidé à ces réalisations. On sent aussi la force d’un souffle lyrique qui a contribué à asseoir plus d’une décennie durant, le makossa au centre de la geste musicale du continent. Au détriment cette fois-ci, du grand et de l’éternel rival congolais (les deux Congo), toujours aussi doué au demeurant, mais trouvant à cette époque-là sur son chemin, du répondant. 
Plus proche de nous, cette technique de construction du makossa inspiré, et à rebondissement, est assez bien incarnée de nos jours par un artiste de la nouvelle vague, tel que Joly Priso. Assez étonnamment, il maintient manifestement les fondamentaux mélodiques et rythmiques de cette époque d’or, post Lobè-Lobè Rameaux et  Nellè Eyoum. Il se meut vêtu d’un costume de sonorités immaculées, dans une mer actuellement souillée d’impuretés aussi déshonorantes que désarmantes, pour l’histoire du makossa !
Mbemba Iyo : Sois attentif aux conseils, mon petit ! Les histoires d’aujourd’hui, faut apprendre à s’en méfier/ Sois attentif aux conseils, mon fils/ Les comportements d’aujourd’hui, faut savoir prendre du recul avant de les affronter/ A chacune de mes prières, tout ce que je demande à Dieu, même si ma condition matérielle actuelle est  loin d’être rose, c’est d’éloigner de moi les plus dégradantes maladies et de me faire passer à travers les plus déshonorantes histoires !...

(A suivre)
©Essombe Mouangue 2010
Consulter les blogs :
-          marevuedepressec.blogspot.com

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