mardi 26 juillet 2011

Moni Bilè (suite et fin) : Toto Guillaume et Aladji Touré, ou l’opposition entre deux styles d’arrangement chez Moni Bilè


(Moni Bilè s’affirme être l’interprète, ou l’opposition de style entre le makossa made in Toto Guillaume et celui made in Aladji Touré s’est le plus fait remarquer. Il est l’un des archétypes dont on peut se servir, pour aborder ces deux philosophies de production du makossa, qui ont animé l’âge d’or de ce rythme camerounais.)
 
Mais si Moni Bilè, par ses succès discographiques a contribué au scintillement de l'édifice makossa, avec lui aussi, se dessinent les premiers signes de dissensions entre les ténors de ce genre musical. C'est qu'il existe une opposition de style entre Toto Guillaume et Aladji Touré, tous deux principaux arrangeurs des musiques makossa de cette époque des années 80 et post 80. Une opposition de style assez flagrante, si l'on prend pour éventuel exemple, (indépendamment évidemment des performances vocales des deux auteurs compositeurs), le O si tapa lambo lam de Moni bilé et Ne nde tonon, bomele mba de Jr Nelson.
L’observation qu’on en retire est que les arrangements d’Aladji Touré, bassiste de formation, sont comme de juste titre à prédominance basse. Par contre, ceux dirigés par Toto guillaume, soliste, accompagnateur génial de métier depuis les Black Styl’s de Douala, privilégie lui aussi, de son côté, son instrument de prédilection.
L'esprit même qui préside à leurs arrangements musicaux semble être différent, sans toutefois être diamétralement opposé. Toguy qui est issu du groupe mythique sawa les Black Styl’s  dont il reste l’un des leaders charismatiques avec Kotty François et dans une moindre mesure Kangue Emile,  semble avoir pour souci majeur de maintenir le makossa dans son état de pureté originelle, tout en l'enrichissant d'instruments empruntés à la musique moderne et même, plus usités dans la musique classique.  Ces dernières productions connues en témoignent[1].
Aladji Touré par contre, défend moins une école qu'un art de jouer, de donner du plaisir à son public, en fonction de ses capacités musicales et de son background personnel.

Aladji Touré et l’introduction d’une certaine rythmique congolaise dans le makossa, au cours de ses arrangements musicaux


Aladji Touré, étant donc assez souple avec certaines normes, il est donc plus libre de ses mouvements. L'impératif commercial étant plus au centre de son action, que la conformation à quelque histoire musicale que ce soit. Si plaisante soit-elle au demeurant. Ce qui supposait la production d’œuvres aussi dansantes que possible, puisque la priorité affichée était de faire danser son monde !
Et quand on dit danse, l’exemple ou l'ombre de la réussite dans ce domaine africain, par excellence, nous fait apparaître d’emblée une musique consanguine, qui depuis les années soixante et jusqu’à ses années 80-90, continuait à faire ses preuves dans le domaine. Il s’agit évidemment du son solo virevoltant des frères congolais ; les deux Congo[2], s’entend !
Et cette voie qui mène à une plus grande influence de la musique congolaise sur le makossa est plus visible dans les œuvres que va diriger le bassiste  Aladji Touré que celles managées par Toto Guillaume. On peut d’ailleurs dire que Toto Guillaume, a tout fait pour échapper (avec succès d’ailleurs) à ce mouvement qui allait étendre ses ramifications dans les créations des principaux artistes de la planète makossa.
Cette tentation qui menait même des artistes confirmés à suivre les avis de producteurs, plus commerçants que mélomanes allait ébranler des institutions musicales telles que Dina Bell pour exemple ! Dina Bell qui a dû commettre au début des années 90,[3] un album sacrifiant énormément à cette contamination  musicale ! Heureusement que l’homme étant grand et doué d’une capacité à se remettre en question, il a pu revenir arpenter les arcades qui ont fait sa gloire.
Mais si Dina Bell a pu s’extirper avec réussite de cette voie, d’autres ne sont pas parvenus à faire comme lui. D’autres ont continué dans cette lancée malheureusement. Certains ont connu du succès en adoptant cette voie ; d’autres sont allés tout droit à la déconvenue ! Mais le grand perdant restera toujours ce makossa doré[4] qui n’avait pas besoin de cet apport extérieur, même  si continental et consanguin ; le grand vaincu, restera toujours cet âge d’or du makossa qui s’était créée des pistes inspirées[5] qui se sont refermées avant d’avoir été explorées comme il se doit, pour cause d’abandons précoces !

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